Collège de Gynécologie du Centre-Val de Loire

Congrès de colposcopie du 19 mai 2001

Conduite à tenir face à une lésion
de haut grade en début de grossesse
J.L. Mergui
Unité d'Endoscopie. Hôpital TENON 4, rue de la Chine - 75020 PARIS (F).

 

Prise en charge d'un frottis atypique chez une femme enceinte :

La prévalence des anomalies cytologiques dépistées au cours de la grossesse semble identique à celle de la population générale du même âge, c'est à dire aux alentours de 5%.
La viabilité de la cytologie au cours de la grossesse a été discutée par de nombreux auteurs, certains ont évoqué une sous évaluation de la cytologie, probablement favorisée par l'ectropion gravidique ou par la mauvaise qualité du prélèvement cervico-vaginal, ne portant pas sur la zone de jonction squamo-cylindrique. D'autres auteurs ont au contraire envisagé une fiabilité tout à fait correcte de la cytologie, au cours de la grossesse malgré quelques difficultés d'interprétation cytologique liées à la présence de cellules déciduales ou de cellules liées à la réaction d'Arias-Stella.
La concordance cyto-histologique est d'ailleurs relativement correcte entre 52 et 86 %, les corrélations cyto-histologiques étant meilleures pour les frottis évocateurs d'une lésion de haut grade.


Dans tous les cas la survenue d'une atypie cytologique quel qu'en soit le grade, doit conduire à un examen colposcopique chez la femme enceinte, si possible dès la découverte de l'anomalie cytologique faite lors de la première consultation au cours de la grossesse, c'est à dire au premier trimestre.
La colposcopie au cours de la grossesse devient de plus en plus difficile au fur et à mesure du développement de celle-ci, c'est pourquoi il est important de préconiser de pratiquer le premier frottis cervico-vaginal dès la première consultation de gynécologie afin d'avoir une colposcopie peu modifiée par l'imprégnation gravidique.
Le col en effet se modifie au cours de la grossesse avec une congestion, une augmentation de la vascularisation, une ectopie mécanique avec extériorisation importante de la zone de jonction qui peut même parfois atteindre les culs de sac cervico-vaginaux.
Enfin la transformation déciduale du chorion, surtout présent sous les papilles glandulaires mais également sous l'épithélium malpighien, peut modifier l'aspect colposcopique des lésions et parfois simuler des aspects inquiétants.
Mais si la colposcopie est faite le plus précocement possible, la concordance entre l'impression colposcopique et le diagnostic histologique peut rester relativement valable (4,7,8), entre 72 à 93 % de bonne corrélation. Néanmoins le plus souvent au cours de la grossesse, la gradation colposcopique des lésions est souvent surestimée en raison des modifications de la réaction acidophile, mais cet aspect n'est pas réellement significatif.

Cette colposcopie doit malgré tout rester soigneuse avec une recherche de la zone de jonction squamo-cylindrique qui peut être suivie le plus souvent assez facilement Néanmoins la possibilité de méconnaître un cancer micro-invasif ou invasif (qui peut modifie l'attitude obstétricale) justifie la réalisation systématique de biopsies dirigées. Celles-ci restent le moyen d'évaluation le plus précis chez la femme enceinte. Elle a souvent mauvaise réputation en raison de son risque de complications hémorragiques favorisées par la congestion vasculaire. Celles-ci varient entre 0,6 et 5 %, elles peuvent être diminuées par l'utilisation de pinces de taille réduite; elles justifient en cas de survenue d'un saignement d'un tamponnement par des compresses mais une coagulation par bistouri électrique ne présente aucune contre-indication de principe. La concordance entre la biopsie dirigée faite au cours de la grossesse et le diagnostic "final" varie selon les publications, entre 43 et 95 %. En effet près de 20 % des CIN de Haut Grade peuvent être sous-estimes par :
- la biopsie dirigée en raison de la difficulté d'apprécier l'épicentre de la lésion,
- ou une évolution des lésions au cours de la grossesse ou du post-partum,
A contrario 20 % des CIN diagnostiqués par biopsie pendant la grossesse peuvent régresser au décours de la grossesse soit en raison d'une régression spontanée des lésion, soit en fait du caractère "thérapeutique" de la ou des biopsies pratiquées au cours de la grossesse.
70 à 80 % des lésions de Bas Grade peuvent régresser en période du post-partum en revanche les lésions de Haut Grade, CIN 2 et CIN 3 persistent dans 80 à 90 % des cas, justifiant une surveillance colpo-cytologique au cours de la grossesse et un contrôle en post-partum clans les 2 à 3 mois suivant l'accouchement.

La conisation diagnostique reste exceptionnelle au cours de la grossesse en raison du caractère hémorragique de la conisation et de ses complications potentielles (perte fœtale) le caractère le plus souvent non in sano dans 50 à 70 % des cas limitant l'effet thérapeutique de la conisation. Elle reste source d'un taux important de fausse-couche ou d'accouchement prématuré sans avoir d'effet thérapeutique significatif. C'est pourquoi ces indications restent extrêmement limitées à la suspicion d'un cancer invasif pour lequel la biopsie dirigée n'a pas été contributive au cours du premier trimestre voire du début du deuxième trimestre de la grossesse.

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