Collège de Gynécologie du Centre-Val de Loire

Examen de la vulve
Place de la Vulvoscopie
C. QUEREUX*, J.L. LEROY***
Service de Gynécologie-Obstétrique - CHU REIMS
** Maternité Jeanne de Flandre - LILLE

L'examen de la vulve n'est souvent qu'un "examen de passage" avant la mise en place d'un spéculum, se limitant aux 5 à 10 secondes concentrées sur l’écartement des petites lèvres, pour ne pas faire mal. Ceci est acceptable si le but n'est qu'une visite de routine gynécologique, mais très insuffisant dans les autres cas.

Examiner plus souvent et un peu plus longtemps la vulve aiderait sûrement à mieux reconnaître les aspects normaux et paranormaux.

LES CIRCONSTANCES DE L'EXAMEN

L'examen de la vulve se justifie dans plusieurs circonstances.

* II y a une symptomatologie d'appel :

Du plus facile, en apparence, le prurit,.. au plus désespérant, la vulvodynie, en passant par brûlures, dyspareunie orificielle ou observation par la femme de quelque chose de palpable ou de visible.

Globalement, les renseignements seront d'autant plus probants pour ne pas dire évidents que le symptôme est aigu, et nettement plus délicats en chronique.

* II y a une pathologie cervicale HPV ou CIN dont on sait qu'elle est volontiers multifocale. Elle incite à regarder périnée, anus et vulve du fait de la grande fréquence d'association.

L'EXAMEN A L'OEIL NU

C'est le premier temps et souvent le seul nécessaire.

* Pour être complet, il se doit être méthodique, ce qui est d'autant plus nécessaire qu'il y a une symptomatologie d'appel et/ou que les premières données ne sont pas évidentes.

* Un œil au pubis, aux grandes lèvres et au périnée puis les doigts sont ensuite nécessaire puisque même en position gynécologique, la vulve ne montre que sa partie cutanée pileuse.

Ecartons les grandes lèvres avec douceur, c'est psychologiquement indispensable d'autant que cette région est très sensible, surtout quand il y a un symptôme d'appel.

* Les petites lèvres doivent être dépliées et examinées, en particulier sur le versant muqueux. Leur écartement livre accès au vestibule antérieur, de l'urètre, triangulaire, pâle, rigide, peu profond où l'on voit latéralement les orifices des glandes de Skene ; le vestibule postérieur prolonge en arrière la face interne des petites lèvres. On peut également voir dans le sillon nympho-hyménéal à la jonction des deux tiers antérieur - tiers postérieur, l'orifice des glandes de Bartholin.

* Lésions rouges, blanches ou pigmentées, ont chacune leur sémiologie. L'œil nu suffit souvent, qu'il soit dermatologique ou gynécologique.

* II faut, dans certaines situations, confronter l'examen de la vulve au reste de l'examen clinique :

- examen du col, du périnée et de l'anus quand on pense à des lésions HPV,

- palper des aires ganglionnaires dans la pathologie infectieuse ou suspecte de néoplasie,

- examiner les autres muqueuses et tégument, œil, bouche, peau dès qu'une dermatose est évoquée.

* II faut insister sur certaines variantes de la normale qui ne doivent pas égarer nos recherches.

- La papillomatose physiologique : que n'a-t-on traité de vulves au laser, de prétendues viroses vulvaires en confondant les " projections rosées physiologiques et d'allure pseudo-condylomateuse " de la face interne des petites. Elles sont physiologiques et ne contiennent pas d’HPV plus souvent que la fréquence élevée du portage quand on utilise des techniques PCR pour leur mise en évidence.

Moyal-Barracco, à l'œil nu chez 100 femmes non ménopausées n'ayant pas de symptôme fonctionnel vulvaire a montré chez 1 femme sur 2 des papilles vestibulaires.

Van Beurden, observe chez 33 % des patientes, en particulier les plus jeunes, ce type d'anomalie.

- Les grains de Fordyce sont une hyperplasie sébacée glandulaire présente à la surface des petites lèvres, chez la plupart des femmes jeunes.

- L'érythème vulvaire, parfois sensible au contact est excessivement fréquent.

C'est le point de vue de Moyal-Barracco, mais aussi de Van Beurden pour lequel il existe 42 % de femmes présentant de telles zones érythémateuses vulvaires, parfois sensible (une fois sur deux).

Soyons très critique avant de parler inflammation, vestibulite ...

LES TESTS D'AMPLIFICATION

LE PLUS CONNU EST LA VULVOSCOPIE

- C'est l'examen de la vulve ou du périnée avec une loupe grossissante de 6 à 12 fois (colposcope).

- Elle comporte deux temps :

. sans préparation,

. puis sous acide acétique 5 % car l'épithélium est épais du fait d'une hyperkératose .

- Son objectif est de mieux préciser les lésions visibles à l'œil nu mais discrètes ou de révéler des lésions infracliniques.

elle a été l'objet de la description de nouveaux aspects :

Certains normaux, fondamentaux à bien connaître comme les papilles et micropapilles, quelque soit leur aspect, leur exubérance, et leur nombre qu'elles soient uni ou bilatérales. La vulvoscopie a malheureusement contribué à voir à tort du condylome et du virus HPV partout alors que seules les papilles ayant une angiogénése dont témoignent des vaisseaux allongés ou des capillaires en anse méritent

D'autres anormaux, mais aucunement spécifiques : l'acidophilie diffuse.

Il est fréquent qu'apparaisse sous acide acétique une acidophilie diffuse, mal limitée ou localisée au niveau de la fourchette, remontant le long des petites lèvres . Cette acidophilie est le témoin d'une altération de l'épithélium de recouvrement mais aucunement spécifique liée à HPV, infection, traumatisme du coït, inflammation, dermatose ...

Barrasso dans une série de 200 vulvoscopies pour lésions du col note une telle réaction acidophile chez 121 patientes. Après traitement anti-inflammatoire local et contrôle, il n'y a plus que 23 acidophilies sur lesquelles la biopsie est positive, 2 1 fois sur 23 pour HPV.

Seule la persistance de l'acidophilie mérite intérêt et doit conduire à la biopsie. Certains conseillent de ne pas le faire le même jour que l' exploration à l'acide acétique qui, caustique, induit une nécrose superficielle, engendrant des faux diagnostics.

D'autres, enfin qui méritent sûrement considération :

- Macules : invisibles sans préparation, elles blanchissent sous acide acétique, planes et bien circonscrites avec parfois ponctuations. Elles peuvent être discrètement en relief : maculopapules .

- Leucokératose : zone blanche, peu visible sans préparation. Elle est surélevée et mieux analysable en acide acétique qui précise sa surface un peu irrégulière.

Pour ces deux anomalies, les corrélations virologiques et histologiques existent pour 30 % environ d'entre-elles. C'est le seul intérêt démontré de la vulvoscopie à savoir révéler les lésions infra-cliniques témoin de VIN, anticipant un peu l'œil nu.

Globalement, on notera la grande fréquence des lésions acidophiles et micropapillaires et la rareté des maculopapules et leucokératose comme le montrent le tableau ci-après.

 

A.A. %

Macules

Micropapilles

Papilles

Leucokératose

FOULQUES

20

 

52

9

9

RITTER

55

17

50

4

4

 

Faut-il faire des vulvoscopies ?

* Pour préciser un aspect visible à l'œil nu ? Bien sûr, pourquoi pas mais comme les aspects ne sont pas pathognomoniques, il ne nous dispenseront pas de biopsier.

* En cas d'anomalie colposcopique visible ?

* Il est vrai que la proportion de vulvoscopie anormale est élevée quand une anomalie du col a été le motif de la consultation.

 
n
 

PLANNER

335

44 %

DARGENT

311

46%

RITTER

365

40%

- C'est normal puisque l'on sait que la majorité des anomalies dysplasique du col est viro-induite et que les lésions sont souvent plurifocales : pour certains, la moitié des CIN ont une lésion HPV infra-clinique au niveau de la vulve et 10 % des CIN 3 sont associés à un VIN.

- Que l'on trouve des anomalies est certain mais pour en faire quoi ? . Les aspects sont variés et peu spécifiques. . Il n'est pas possible de faire d'extrapolation histologique. . Les faux positifs sont très nombreux. . Ils sont sources d'agression inutile, diagnostique ou thérapeutique.

- Soyons convaincu que la dynamique de la vulve n'est pas celle du col. Le cancer de la vulve reste rare, et les VIN ne dégénèrent qu'exceptionnellement même si l'on sait que :

. 35 % des cancers de la vulve sont HPV positifs, en particulier chez les jeunes (étude fino-norvégienne).

. 90 % des cancers de la vulve de la femme jeune ont une association VIN -HPV contre 13 % des cas des femmes plus âgées (Hones - 1997 - Nouvelle-Zélande).

- Depuis la description des lésions vulvoscopiques, la fréquence des anomalies décrites a explosé et a engendré des sur-traitements, au laser, à interféron, à l'Efudix® ...

- Gardons une vision sereine : la vulvoscopie trouve trop d'anomalies qui faut s'interdire de classer pathologique. Rejoignons la sagesse des dermatologues qui ont suivi d'un œil et d'une oreille amusée nos gesticulations :

. les maculopapules ou hyperkératose sont à biopsier.

. devant une réaction acidophile diffuse, il n’y a pas grand chose à chercher.

- La vulvoscopie, malgré ses faux positifs est toutefois intéressante pour dépister des lésions infra-cliniques chez des femmes qui ont des signes fonctionnels vulvaires qu'il faudra préciser, souvent par biopsie.

Mais autant il est légitime de regarder à l'œil nu la vulve en cas de lésions cervicales pour rechercher en particulier une papulose bowenoïde, autant de notre point de vue, il n'est plus utile de consacrer un temps précieux à , l'étude de la vulve chez une patiente porteuse d'un banal CIN ; l'œil nu suffit.

LE TEST AU BLEU DE TOLUWINE OU TEST DE COLUNS

- Le principe est de badigeonner la peau de la vulve avec du bleu de Toluidine à 1% et d'examiner après 1 à 2 minutes de lavage de la vulve avec une solution d'acide acétique à 1 % puis application de sérum physiologique pour laver.

. Le test est négatif quand il y a une décoloration complète de la peau et positif quand la coloration est bleu persistante.

- Cette coloration bleue est liée à une hyper, para ou dyskératose voire à la présence dans l'épaisseur de la muqueuse d'atypie cellulaire plus marquée.

- Mais ce test manque de spécificité : inflammation, exécration et ulcération sont autant de cause de faux positifs. Son intérêt est thérapeutique pour préciser l'étendue des lésions diffuses et multicentriques, dysplasies (HPV) ou pré-néoplasiques (Paget).

CONCLUSIONS

L'œil nu suffit à reconnaître les aspects physiologiques et à orienter la plupart des anomalies mais il a souvent besoin d'une biopsie en particulier en cas de persistance.

La vulvoscopie a un déclin aussi rapide que fût son essor. Elle a aidé à mieux comprendre, elle est rarement indispensable ; néanmoins, moyennant une bonne dose d'esprit critique elle apporte de manière ponctuelle un vrai service.

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