Collège de Gynécologie du Centre-Val de Loire

La sortie de l’anorexie mentale :
les perturbations hormonales et leur place dans les soins.
Pr Michel Pugeat,
Fédération d’Endocrinologie du Pôle Est des Hospices Civils de Lyon
59 boulevard Pinel – 69394 Lyon Cedex 03

L’anorexie mentale est une pathologie remarquable par la richesse de son expression clinique. D’une manière inconsciente ou délibérée la jeune femme anorexique masque ses symptômes sous une apparence somatique. La douleur vécue des anorexiques est réelle. Elle contribue au retard du diagnostique et au renforcement des défenses et risque de compliquer l’approche psychosomatique ultérieure.

Le système endocrinien est un système de communication par signaux chimiques sécrétés par différentes glandes traditionnelles mais aussi par le cerveau, le cœur, ou le tissu adipeux. Ces messagers chimiques ou hormones permettent l’adaptation à toutes les circonstances de la vie. ces circonstance peuvent être familières ou imprévue, voir menaçantes pour l’intégrité des grandes fonctions. Ainsi, la leptine, une hormone produite par les cellules adipeuses est un signal énergétique de régulation de la fonction hypothalamo-hypophysaire. La régulation de la sécrétion des gonadotrophines hypophysaires, LH et FSH, est soumise à la pulsatilité du " gonadostat " hypothalamique qui produit le GnRH, un décapeptide de libération de la sécrétion de LH et de FSH. La leptine et d’autres signaux d’intégration dont celui du tissu adipeux expliquent la survenue de la puberté chez les caucasiennes lorsque le poids se situe entre 45 et 47 kg.

Après la puberté, un des premiers symptômes de l’anorexie est la disparition des règles ou aménorrhée. Curieusement, chez certaines patientes la disparition des règles peut même précéder la perte de poids. Cette observation séméiologique montre bien que le dérèglement du comportement alimentaire peut directement influencer l’activité ovarienne de la jeune fille.

En image en miroir, le retour des règles chez la jeune femme anorexique en cours de guérison est imprévisible. Il n’y a pas nécessairement de relation entre le retour à un poids physiologique et la réapparition des règles. Les cas de démarrage de grossesse en pleine phase d’aménorrhée ne sont pas rares. Le passage de l’anorexie vers la boulimie avec surpoids s’accompagne volontiers d’une aménorrhée persistante. L’évolution vers un syndrome des ovaires polykystiques marqué par une forte poussée d’acné ou une accentuation de la pilosité est une autre éventualité de persistance de l’aménorrhée. Elle pose la question de son mécanisme physiopathologique.

L’histoire de l’anorexie mentale est marquée par le questionnement incessant des médecins et des scientifiques sur son déterminisme principal et rend compte de la singularité de la maladie située au carrefour du somatique et du psychique. Pour le psychanalyste il est tentant de corréler les phases successives des perturbations hormonales avec le déroulement des phases d’installation de l’anorexie mentale et de sa guérison. L’arrêt de la fonction ovarienne par disparition de la sécrétion pulsatile des gonadotrophines est un phénomène précoce qui ramène la fonction ovarienne à l’état antérieur à la puberté. Ce phénomène est associé au désir de retour à l’enfance, à la difficulté d’assumer féminité et fécondité, au désir de perte des pulsions, amoureuses ou meurtrières. La remise en place de cette fonction fortement sexualisée est une étape clé de la reprise de possession du corps et de sa capacité d’accueil à l’autre. L’influence des hormones stéroïdes sexuelles sur le fonctionnement du cerveau, notamment sur les fonctions cognitives qui jouent aussi bien dans le comportement maternel que dans le désir sexuel, peut maintenant être exploré de façon plus mécanistique grâce à l’apport de l’IRM fonctionnelle par exemple. Ces approches méthodologiques devraient nous apprendre si le cerveau d’une anorexique privé ou non d’œstrogène fonctionne différemment. Des corrélations peuvent être attendues de ces explorations qui pourront contribuer à une aide à la prise en charge thérapeutique notamment pour la réintroduction des oestrogènes. Dans cette présentation, la sortie de l’anorexie mentale et son déterminisme endocrinien, hormonal et psychosomatique sera présentée dans une perspective de suivi et d’éventuelles interventions thérapeutiques.

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