Les porphyries représentent un groupe de maladies dues à des altérations de la voie métabolique qui conduit à la synthèse de l’hème.
Lorsqu’il y a un déficit d’une des 8 enzymes impliquées dans cette voie métabolique, il y a une production excessive de métabolites intermédiaires, les porphyrines, ou de leurs précurseurs, à l’origine de manifestations pathologiques.
Les termes de porphyries et de porphyrines dérivent du grec porphyros, pourpre, ces substances émettant une fluorescence rouge lorsqu’elles sont irradiées avec une lumière de longueur d’onde de 400-410 nm.
Les porphyrines ont une structure cyclique, avec 4 anneaux pyroliques reliés par des groupements méthyle, leur permettant d’absorber des radiations électromagnétiques de haute énergie, dans la bande de lumière UV longue, à l’origine de réactions photodynamiques.
Les porphyries peuvent être classées en fonction de plusieurs facteurs :
- en fonction de l’organe où siège l’altération de la synthèse des porphyrines. On décrit ainsi :
. les porphyries hépatiques qui comprennent la porphyrie aiguë intermittente (PAI), la porphyrie mixte ou variegata, la coproporphyrie héréditaire et la porphyrie cutanée tardive, la plus fréquente des porphyries.
. les porphyries érythropoïétiques parmi lesquelles la porphyrie congénitale érythropoïétique ou maladie de Gunther et la protoporphyrie érythropoïétique.
* en fonction de la présence ou de l’absence de manifestations dermatologiques. A l’exception de la PAI, toutes les porphyries présentent des signes d’expression cutanée, associées ou non à des symptômes viscéraux.
La porphyrie cutanée tardive (PCT) occupe une place à part parmi les différents types de porphyries car c’est la seule d’entre elles pour laquelle on distingue une forme acquise (PCT de type 1 ou sporadique) et une forme familiale (PCT de type 2). Toutes les autres porphyries représentent des désordres monogénétiques qui résultent de la mutation de gènes, actuellement connus. La transmission se fait, dans la plupart des cas, selon un mode autosomique dominant.
Elle est due à un déficit en ferrochelatase. De nombreuses mutations du gène, localisé sur le chromosome 18, sont identifiées. La transmission est autosomique dominante mais quelques cas récessifs sont décrits.
Apparaissent dans l’enfance, souvent avant l’âge de 5 ans, des manifestations de photosensibilité avec une intolérance aux ultra-violets ou même à la lumière artificielle. En effet, peu de temps après une exposition au soleil, souvent peu importante, apparaît dans les zones exposées une sensation de prurit, de brûlure, de cuisson douloureuse. Ensuite, se développent des lésions érythémateuses, parfois purpuriques, oedémateuses. La succession de ces épisodes aigus aboutit à un épaississement de la peau atteinte qui devient jaunâtre, avec des cicatrices varioliformes.
Le diagnostic est porté sur la présence, surtout au moment des poussées, de protoporphyrines en grande quantité dans les érythroblastes, les globules rouges (donnant une fluorescence rouge sur un frottis sanguin) et dans les selles.
Il existe dans environ 25 % des cas une atteinte hépatobiliaire (lithiases dues à des calculs de protoporphyrines, insuffisance hépatique évoluant parfois vers une cirrhose).
Le traitement repose surtout sur l’éviction solaire et la prescription de béta-carotène. D’autres thérapeutiques ont été proposées : cystéine, photothérapie par UVB TL01, cholestyramine et acide chénodésoxycholique en cas d’atteinte hépatique. Une greffe hépatique peut être réalisée en cas de cirrhose.
Il s’agit d’une forme exceptionnelle de porphyrie due à un déficit de l’uroporphyrinogène 3 co-synthétase dont le gène est situé sur le chromosome 10. La transmission se fait selon un mode autosomique récessif.
Dans l’enfance, apparaît une intolérance extrême à la lumière avec, dans les zones exposées, des lésions bulleuses, nécrotiques, laissant d’importantes cicatrices. S’y associent une hypertrichose du visage et des extrémités et des altérations sclérodermiformes aboutissant à des mutilations progressives du visage et des extrémités. Les dents ont une couleur rouge-sombre, due aux dépôts des porphyrines.
Sur le plan biologique, il existe fréquemment une anémie hémolytique. La confirmation du diagnostic se fait par la grande quantité de porphyrines (isomères I) dans les urines, les hématies et les érythroblastes avec fluorescence de ces cellules en lumière de Wood. La photoprotection est indispensable. Des transfusions répétées sont souvent nécessaires. Quelques cas de greffes de mœlle osseuse ont été pratiqués avec succès.
C’est la plus fréquente des porphyries cutanées, due à un déficit en uroporphyrinogène décarboxylase (UDP). Il en existe 3 types :
* le type I : il s’agit d’une forme acquise ou sporadique, le déficit enzymatique étant présent dans les hépatocytes.
* le type II dans lequel le déficit s’exprime dans le foie et les érythrocytes, secondaire à des mutations hétérozygotes du gène, situé sur le chromosome 1. La transmission se fait sur un mode autosomique dominant. Il existe une exceptionnelle variante homozygote de la PCT, se traduisant par une photosensibilité extrême apparaissant dès l’enfance (porphyrie hépato-érythropoïétique).
* le type III, également familial, exceptionnel.
Quel que soit le type de PCT, la symptomatologie clinique est identique : apparaît d’abord un prurit dans les régions exposées puis des bulles évoluant vers des érosions et des croûtes, laissant secondairement des kystes épidermiques. Il s’y associe une fragilité cutanée importante, une hyperpigmentation prédominant dans les zones découvertes, une hypertrichose temporo-malaire. Des lésions sclérodermiformes sont présentes dans environ 30 % des cas sur le cuir chevelu (pouvant entraîner une alopécie), le cou, le décolleté et le visage. Ces manifestations dermatologiques sont le plus souvent associées mais parfois l’une d’entre elles domine le tableau clinique, rendant parfois le diagnostic difficile. Dans la forme sporadique, ces signes cutanés apparaissent vers la quarantaine alors qu’ils sont beaucoup plus précoces, souvent dans l’enfance, dans la forme familiale.
Quel que soit le type de PCT, des facteurs inducteurs, souvent associés, vont favoriser l’expression clinique de la maladie :
Elle peut être d’origine exogène (intoxication éthylique, infection par le VHC) mais également intrinsèque. En effet, depuis quelques années, des mutations du gène de l’hémochromatose (HFE) ont été mises en évidence chez les patients atteints de PCT de type I. Ce sont essentiellement des mutations homo ou hétérozygotes C282Y et HC63D qui sont observées avec une fréquence variant selon les études et l’origine géographique des patients.
Même si ces mutations sont fréquentes, expliquant tout au moins en partie la surcharge en fer, elles ne sont pas indispensables puisqu’il existe des cas de PCT sans mutation du gène HFE.
Le virus de l’hépatite C (VHC) joue manifestement un rôle très important dans l’apparition d’une PCT puisqu’il est présent chez 20 à 90 % des patients, là encore en fonction de leur origine géographique. Dans la majorité des cas, il s’agit d’une infection active avec présence d’ARN viral et élévation des transaminases. Cependant, les mécanismes physiopathologiques de cette association restent encore mal expliqués.
Le VIH a un rôle difficile à déterminer car il y a très souvent une co-infection avec le VHC et la présence d’autres facteurs inducteurs (alcool, médicaments).
Il y a également une association possible avec le virus de l’hépatite B mais les études sont anciennes, sans recherche concomitante du VHC.
En France, l’alcoolisme chronique est présent dans 50 à 80 % des PCT, surtout de type I.
Les autres toxiques sont essentiellement des médicaments dont il faut bien sûr remettre la liste au patient (la liste des médicaments interdits et autorisés est consultable sur Internet : www.porphyries.com.fr).
Le diagnostic de PCT est confirmé par l’élévation importante et isolée des uroporphyrines dans les urines ainsi que la présence d’isocoproporphyrine dans les selles. On note fréquemment une augmentation des enzymes hépatiques, ainsi qu’une hypersidérémie et une augmentation de la ferritine plasmatique.
Le traitement associe l’éviction des facteurs déclenchants, la dépression ferrique, le plus souvent par saignées, beaucoup plus rarement par la déferroxamine, les antipaludéens de synthèse a faibles doses (chloroquine 1 comprimé à 100 mg 2 fois/semaine ou hydroxychloroquine 1 comprimé à 200 mg 2 fois/semaine). En cas d’association avec une hépatite C, les traitements antiviraux sont souvent efficaces sur les manifestations cutanées de la PCT.
Parfois, on observe un tableau clinique de PCT typique mais aucune anomalie du métabolisme des porphyrines n’est notée. On parle alors de pseudo-porphyrie.
Ces manifestations peuvent être observées chez les hémodialysés et lors de la prise de certains médicaments, en particulier des anti-inflammatoires non stéroïdiens, des antibiotiques, des diurétiques, des hormones, … mais cette liste n’est pas limitative.
Les signes cutanés, identiques à ceux de la PCT, sont associés à des manifestations viscérales telles qu’on les observe dans la PAI. Il s’agit de manifestations digestives, neurologiques et cardiovasculaires.
Particulièrement fréquente en Afrique du Sud, beaucoup plus rare dans d’autres pays, elle est due à un déficit de la protoporphyrinogène oxydase, dont le gène est localisé sur le chromosome 1, la transmission se faisant selon un mode autosomique dominant.
Lors de la crise aiguë, on trouve dans les urines une élévation des précurseurs des porphyrines, porphobilinogène et acide delta-amino-lévulinique. En cas de lésions cutanées isolées, il existe dans les urines une augmentation des uroporphyrines et coproporphyrines, et dans les selles de la protoporphyrine et coproporphyrine en grande quantité. Il est important de faire le diagnostic de cette forme de porphyrie, étant donné les risques d’accidents neurologiques ou digestifs.
Cette forme rare de porphyrie est due à un déficit de la coproporphyrinogène oxydase dont le gène se situe sur le chromosome 3, la transmission se faisant selon un mode autosomique dominant.
Le tableau clinique est semblable à celui de la porphyrie variegata. Elle se caractérise par l’élimination de grandes quantités de coproporphyrines III dans l’urine et durant les crises aiguës, également du porphobilinogène et de l’acide delta-amino-lévulinique en grande quantité.
MURPHY G.M.
The cutaneous porphyrias : a review.
Br. J. Dermatol. 1999, 140:573-581
GREEN J.J.
Pseudoporhyria
J. Am. Acad. Dermatol. 2001 ;44:100-8
FORAN S.E., ABEL G.
Guide to porphyrias. A historical and clinical perspective.
Am. J. Clin. Path. 2003 ;119-S86-93
POBLETE-GUTIEREZ P. et col.
Les porphyries : de la clinique à la génétique moléculaire.
Ann. Dermatol. Venereol. 2004 ; 131 :825-8