Collège de Gynécologie du Centre-Val de Loire

HEPATITES ET PEAU
Professeur Marie-Sylvie DOUTRE

Service de Dermatologie
Hôpital du Haut-Lévêque
CHU de Bordeaux
33600 PESSAC

Les virus des hépatites C (VHC) et B (VHB) sont responsables de manifestations hépatiques mais aussi extra-hépatiques, en particulier dermatologiques, parfois révélatrices de l’infection virale. Les relations entre certaines d'entre elles et ces virus sont maintenant bien démontrées alors que pour d'autres les preuves d'un lien direct ne sont pas encore clairement établies.

Il existe aussi des manifestations cutanées secondaires aux traitements anti-viraux ou survenant après vaccination de l’hépatite B.

MANIFESTATIONS CUTANEES ASSOCIEES AU VIRUS DE L’HEPATITE B

Certaines affections cutanées sont en relation directe avec le VHC

C'est le cas des cryoglobulinémies

Depuis les premiers cas rapportés en 1990, de très nombreuses publications ont permis d'établir clairement la relation VHC/cryoglobulinémies mixtes (CM), de type II ou III.

Cette association est fréquente : les marqueurs du VHC sont trouvés dans 40 à 90 % des CM et inversement une CM est présente chez les patients infectés par ce virus dans environ 50 à 90 % des cas, le plus souvent asymptomatique. Cependant, ces chiffres varient quelque peu en fonction de l'origine géographique des sujets étudiés.

Sur le plan dermatologique, c'est un tableau de purpura cryoglobulinémique que l'on observe associant des lésions purpuriques maculo-papuleuses des membres inférieurs, des nodules sous-cutanés, parfois des ulcérations ou des nécroses, mais aussi une urticaire, un syndrome de Raynaud La biopsie montre habituellement une image de vascularite leucocytoclasique, parfois lymphocytaire. Ces signes cutanés sont souvent associés à des manifestations articulaires, rénales, neurologiques.

La mise en évidence d'AC anti-VHC mais aussi d'ARN viral dans le cryoprécipité est un argument pour conforter les relations existant entre CM et VHC. Au niveau même de la peau, le VHC a également été mis en évidence, souvent complexé à des IgG et/ou des IgM.

L'action du traitement anti-viral est habituellement identique sur la cryoglobulinémie et les manifestations hépatiques : la CM disparaît quand l'affection hépatique répond bien alors qu'elle persiste chez les non-répondeurs. Cependant, il existe des cas discordants dans lesquels la réponse est différente pour le foie et pour la CM. Enfin, dans quelques observations, on note une aggravation des manifestations cliniques dues à la cryoglobuline sous traitement anti-viral.

Quelques études se sont intéressées aux génotypes du VHC quand il existe une CM associée. Les résultats sont discordants mais il ne semble pas exister de différence statistiquement significative dans la répartition des génotypes chez les patients ayant une CM et ceux n'en ayant pas.

Quelques cas de vascularite cutanée sans cryoglobulines ont aussi été décrits.
Dans les autres vascularites systémiques, la fréquence de l'infection par le VHC paraît beaucoup plus faible. Dans la périartérite noueuse (PAN) systémique , la séropositivité varie de 5 à 12 %., beaucoup plus faible dans les PAN cutanées..

Dans la maladie de Wegener et l'angéite de Churg et Straus, il s'agit d'observations ponctuelles.

Dans la porphyrie cutanée tardive (PCT), le VHC est impliqué de façon certaine

De nombreux facteurs sont incriminés dans le déclenchement d'une PCT : soleil, alcool, médicaments et virus, en particulier le VHB et le virus de l'immunodéficience acquise. Actuellement, la prévalence de l'infection par le VHC paraît très forte, comme en témoignent de nombreux travaux publiés ces dernières années. Une infection active prouvée par la mise en évidence de l'ARN viral est en effet présente chez 50 à 90 % des sujets présentant une PCT, originaires du sud de l'Europe (Italie, Espagne, France). Dans la grande majorité des cas, il s'agit de PCT sporadiques. Dans les formes liées au VHC, l'âge d'apparition est plus bas et l'atteinte hépatique plus fréquente et plus sévère qu'en l'absence d'infection virale.

Dans quelques observations, les manifestations cutanées de la PCT disparaissent sous traitement par Interféron, ceci étant un argument de plus confirmant les relations directes entre l'infection virale et la porphyrie.

Récemment, des mutations du gène de l'hémochromatose (HFE), homo ou hétérozygotes (C282Y-H63D) ont été mises en évidence avec une fréquence statistiquement significative dans la PCT.Interviennent donc dans l'apparition de cette maladie des facteurs génétiques d'une part et acquis d'autre part.

D’autres manifestations dermatologiques sont peut être associées au VHC

Le lichen plan fait probablement partie de ces dermatoses.

C'est il y a 10 ans que le premier cas de lichen buccal associé à une hépatite à VHC a été rapporté. Depuis, de nombreux travaux ont été réalisés mais ces études sont encore contradictoires quant à la fréquence de cette association, les résultats étant très différents d'un pays à l'autre et même d'une région à l'autre au sein du même pays. Ainsi, dans une étude niçoise il y a 29 % d'infections à VHC parmi 28 cas de lichen, alors qu’à STRASBOURG, la fréquence de l'infection par le VHC n'est que de 4 %.

Pour certains auteurs, il s'agit essentiellement de lichen buccal érosif , pour d'autres non. L’évolution sous Interféron paraît différente selon les observations : amélioration dans certains cas, aggravation dans d’autres ou même induction du lichen par le traitement.

Les mécanismes de cette association sont encore mal compris même si de l’ARN viral a été mis en évidence dans les lésions lichéniennes dans quelques observations.

Ainsi, le VHC ne paraît pas en cause dans la majorité des lichens mais il paraît quand même souhaitable de faire une sérologie, surtout s'il s'agit d'un lichen buccal.

¨ Le prurit, parfois associé à des lésions de prurigo, conduit rarement à la découverte d'une infection à VHC mais par contre c'est un motif fréquent de consultation dermatologique chez les sujets ayant une hépatite à VHC, présent chez environ 15 % des patients. Il peut être dû à la cholestase secondaire à la fibrose hépatique ou aux divers traitements (Interféron, Ribavirine) mais souvent il survient sans cause évidente.

Diverses manifestations cutanéo-muqueuses sont aussi décrites au cours de l’infection par le VHC

Il existe fréquemment un syndrome sec. En fait, il s'agit d'un "syndrome de Gougerot-Sjögren-like", sans anticorps anti-noyaux ni anticorps anti-SSA SSB, avec un aspect histologique de sialadénite lymphocytaire, avec prédominance de lymphocytes CD8 alors que ce sont surtout des lymphocytes CD4 que l'on observe dans le syndrome de Gougerot-Sjögren.

Dans le psoriasis, les résultats sont très discordants dans les quelques études effectuées, que ce soit dans les formes cutanées ou articulaires. Il n'y a à l'heure actuelle aucun argument convaincant pour établir des liens physiopathologiques entre psoriasis et infection à VHC. Par contre, l'Interféron a un rôle certain dans l'apparition ou l'aggravation du psoriasis.

Ces dernières années, de nombreuses études se sont intéressées à l'association anticorps anti-phospholipides (APL)/infection par le VHC. En effet, les APL sont observés chez 20 à 25 % des sujets présentant une hépatite chronique à VHC. Dans la grande majorité des cas, il n'y a pas de signes cliniques associés mais quelques observations de thrombose artérielle ont été rapportées.

Les mécanismes physiopathologiques de cette association sont mal connus (réactions croisées antigènes du virus/APL ? Stimulation polyclonale des lymphocytes B ?…).

Différentes dermatoses sont signalées de façon ponctuelle

Quelques observations d'urticaire sont rapportées au cours d'hépatites aiguës ou chroniques mais il n'y a pas d'association statistiquement significative entre infection à VHC et urticaire chronique dans des séries portant sur un nombre important de sujets.

Un érythème polymorphe a été décrit au cours d'hépatites aiguës et chroniques. Dans ce cas-là, il s'agissait d'un forme récidivante pendant 2 ans dans un cas, persistante pendant 18 mois dans un autre. Lorsque les malades ont été traités par Interféron, l'érythème polymorphe n'a pas récidivé.

L'érythème nécrolytique acral paraît très spécifique de l'infection à VHC, les 8 cas rapportés dans la littérature étant toujours associés à ce virus.

Enfin, de nombreuses observations "anecdotiques" sont rapportées, qu'il s'agisse de dermatomyosite, sclérodermie systémique, granulome annulaire diffus, lymphome cutané B, angio-śdème acquis, porokératose de Mibelli…

MANIFESTATIONS DERMATOLOGIQUES ASSOCIEES AU VIRUS DE L’HEPATITE B

Celles-ci sont observées au cours de la phase aigue et/ou chronique de l’infection par le VHB.

¨ Une urticaire aigüe est souvent observée lors de la phase pré-ictérique de l’hépatite, associée à une asthénie, des arthralgies, des céphalées. La biopsie montre parfois une vasculite lymphocytaire ou leucocytoclasique, associée à des dépots d’Ag HBs sur la paroi des vaisseaux.

Par contre, l’association urticaire chronique- infection à VHB est rare

¨ Les vasculites leucocytoclasiques cutanées sont souvent associées à des arthralgies, une neuropathie périphérique, une atteinte rénale. Elles se manifestent habituellement par un purpura maculo-papuleux, plus rarement par des ulcérations des membres inférieurs, des gangrènes distales….Il existe parfois une cryoglobuline de type II ou III, avec présence d’Ag HBs dans le cryoprécipité mais, en fait, l’ADN viral est rarement mis en évidence chez ces patients.

¨ Si dans les années 70, la prévalence de l’infection par le VHB était de 30 à 40% dans la périartérite noueuse, elle n’est actuellement plus que d’environ 8%.

Les manifestations dermatologiques ( livedo, nodules sous-cutanés, purpura..) sont identiques qu’il y ait on non une infection virale. Par contre, les signes digestifs, l’HTA, l’atteinte rénale paraissent plus fréquents chez les sujets infectés. Dans ce cas , des anti-viraux sont associés au traitement classique de la PAN.

¨ Le rôle du VHB a été démontré dans le syndrome de GIANOTTI-CROSTI en 1970, mais de nombreux autres virus ( EBV,CMV,adénovirus, HHV8…)sont impliqués dans cette éruption papuleuse, touchant le visage et les membres survenant le plus souvent chez un enfant

¨ C’est il y a 20 ans que des dermatologues italiens ont , les premiers, attiré l’attention sur l’association lichen plan-hépathopathie chronique, en particulier due au VHB.

De même, dans la porphyrie cutanée tardive, des marqueurs du VHB sont souvent notés.

Cependant, dans ces deux dermatoses,d’une part, il n’y a le plus souvent pas de preuve de réplication virale et d’autre part, la plupart des études sont anciennes, réalisées avant que le VHC n’ait été identifié.

 

EFFETS SECONDAIRES CUTANES DES TRAITEMENTS ANTI-VIRAUX

Avec l'Interféron seul ou associé à la Ribavirine, on observe chez environ 20 à 25 % des patients une alopécie, un prurit isolé ou associé à des lésions eczématiformes et/ou à une xérose cutanée .

Une cinquantaine d’observations de sarcoidose cutanée ou cutanéo-systémique sont rapportées

D'autres effets secondaires dermatologiques sont plus rares tels que l'induction ou l'aggravation d'un psoriasis, d'un vitiligo, d’une dermatose auto-immune…

On peut aussi observer aux points d'injection de l'Interféron, érythème, induration ou parfois même nécrose. Les réactions inflammatoires locales paraissent fréquentes avec le Peg-interféron.

EFFETS SECONDAIRES CUTANES DE LA VACCINATION DE L’HEPATITE B

Bien que la tolérance du vaccin soit habituellement bonne, quelques effets secondaires dermatologiques sont rapportés aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte.

Il s’agit d’urticaire et d’angioedème, de lichen plan, de vasculites cutanées ou cutanéo-systémiques, de PAN ou encore de lupus érythémateux systémique. Pour la plupart de ces manifestations, il est difficile de dire s’il y a réellement une relation de cause à effet.

Des réactions sont aussi décrites au site de la vaccination, habituellement transitoires, à type de prurit, d’érythème, d’oedème. Parfois, il s’agit de lésions papuleuses persistantes, très probablement dues à l’hydroxyde d’alumine utilisé comme adjuvant dans ce vaccin.

Etant donné le très faible nombre de ces effets secondaires par rapport à celui des sujets vaccinés ( 27 millions en France en 1998), une prédisposition personnelle est certainement en cause.

 

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