Stomatodynie : du symptôme au syndrome

L Vaillant, B. Hüttenberger, G. Gaillard

1. Définition

La stomatodynie désigne des douleurs de la cavité buccale, sans substrat organique et de faible intensité : c’est le " burning mouth syndrome " des anglo-saxons. La stomatodynie ne préjuge pas de la localisation, ni de la cause de la douleur. La glossodynie est une forme topographique particulière de stomatodynie, mais localisée à la langue. Elle n’est pas toujours d’origine psychogène. Il ne faut pas confondre le retentissement psychologique quasi-constant des stomatodynies, douleurs chroniques, avec une cause psychogène.

La stomatodynie est donc avant tout un signe fonctionnel. Pour certains le terme de stomatodynie inclut par définition l’absence d’anomalie clinique de la cavité buccale. En pratique, la stomatodynie est une sensation douloureuse de la cavité buccale sans lésion organique à l’évidence responsable (par exemple une ulcération). Cette définition inclut donc la chronicité de la douleur et l’absence de cause évidente à l’examen de la cavité buccale (1). A l’inverse une langue géographique ou un lichen plan ne sera considéré comme responsable des douleurs buccales que si la guérison coïncide avec la disparition de la stomatodynie.

2. Le symptôme fonctionnel

Il s’agit le plus souvent d’une sensation de brûlure, localisée à une partie de la cavité buccale (le plus souvent la pointe de la langue). Parfois le patient décrit plutôt des picotements ou des dysesthésies, ou encore une douleur mais en général peu intense (même si son retentissement peut être très important). L’intensité de cette brûlure est importante et sa chronicité retentit toujours sur la vie quotidienne.

Il est important d’apprécier la chronologie des stomatodynies ce qui permet de préciser le type (Tableau I). Le type I est une stomatodynie présente tous les jours, absente le matin au réveil, apparaissant dans la journée et augmentant progressivement d’intensité pour être maximale le soir et disparaître le nuit : ce type correspond à 35% des cas. Le type II correspond à une stomatodynie présente toute al journée, et tous les jours : ce type représente 55% des cas. Le type III correspond à une douleur présente simplement certains jours et de localisation inhabituelle (2).

La localisation de la stomatodynie est la langue (glossodynie) dans 80% des cas, surtout la pointe deux fois plus souvent atteinte sue les bords ou la face dorsale. La stomatodynie atteint également le palais (60%), les gencives (40%), les lèvres (35%). Les douleurs du pharynx, du plancher de la bouche ou de la muqueuse jugale sont très rares (moins de 10% des cas). La douleur est en général bilatérale et symétrique ; une douleur franchement unilatérale de façon constante est très atypique.

Des signes fonctionnels peuvent être associés à la stomatodynie : une sensation de bouche sèche (63%), une dysgueusie (60%), plus rarement une sensation de soif, de difficulté de la déglutition ou des signes extra-buccaux (yeux secs, œdème de la face) (3). Il faut penser à demander au patient s’il a une sensation de brûlure, de douleur ou de démangeaison dans les régions anale ou génitale (4), ou s’il a eu d’autres douleurs chroniques résistantes aux traitements médicamenteux. En effet, ce type de symptômes est beaucoup plus fréquent chez les patients atteints de stomatodynie, mais ceux-ci ne s’en plaignent pas spontanément.

La stomatodynie atteint le plus souvent des femmes (plus de 85% des cas) entre 50 et 70 ans. Cette prévalence féminine n’est pas expliquée et peut en partie être due à certaines causes de stomatodynie (syndrome de Gougerot-Sjögren) (5). Les stomatodynies n’ont jamais été décrites chez l’enfant.

Le patient se plaint parfois d’un facteur favorisant ou déclenchant de la stomatodynie, en particulier les soins dentaires ou le changement de prothèse dentaire. Ce facteur favorisant est d’autant moins souvent en cause, que le patient y croit " dur comme fer ".

L’examen de la cavité buccale est normal. Il retrouve parfois les variantes physiologiques de la muqueuse buccale (1) qui doivent être expliquées au patient : ligne de morsure, grains de Fordyce, torus, papilles linguales, orifices des canaux salivaires de Wharton et de Stenon. L’examen de la sensibilité montre une diminution de la tolérance au chaud (6).

3. Les causes des stomatodynies

Les causes de stomatodynies sont variées et souvent difficiles à affirmer. La cause doit être différenciée d’un facteur précipitant ou révélant la stomatodynie. On ne peut donc retenir un facteur comme cause d’une stomatodynie, que si son traitement permet sa disparition (ceci est vrai pour une dépression comme pour une maladie organique). Les principales causes sont rassemblées dans le tableau II. La recherche de la cause est orientée par le type de la stomatodynies. Le type I est plus souvent d’origine psychogène à type de paresthésies buccales psychogènes (PBP), mais des causes non psychogènes peuvent être trouvées (déficits vitaminiques). Le type II est parfois l’évolution d’une PBP mais des causes organiques sont fréquemment trouvées (xérostomie, causes locales) ; une anxiété chronique semble un facteur favorisant. Le type III peut être rattaché à une anxiété intense (cancérophobie), à une névralgie ou une allergie (alimentaire ou à un composant d’une prothèse).

 Tableau I – Glossodynies : les types de douleurs

Type I (35%)

  • Absente le matin, maximale le soir

Type II (55%)

  • Présente toute la journée

Type III (10%)

  • Présente certains jours

Tableau II - Causes des Stomatodynies

 

Lamey et Lamb

Morère et Vaillant

Psychogène

Xérostomie

Prothèse

Glossites

Hypovitaminose B1, B2, B6

Troubles de l’articulé dentaire

38%

12%

22%

12%

6%

NF

27%

33%

6%

15%

NF

11%

NF : non fait

   

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