Collège de Gynécologie du Centre-Val de Loire

Conduite à tenir devant un frottis anormal et une colposcopie normale
Professeur Baldauf J-J.
Département de Gynécologie Obstétrique and,
Hôpital de Hautepierre, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, FRANCE,


Le frottis cervico-vaginal est un bon outil de dépistage du cancer et des lésions précancéreuses du coi de l'utérus.

La démarche diagnostique, en cas de frottis anormal, passe par la colposcopie et la biopsie dirigée. Une colposcopie non informative dans les moins de 6 mois après un frottis anormal est une situation embarrassante qui est plus fréquente que l'on peut croire; 4 à 66% [1-4] en particulier si le frottis initial note une lésions de bas grade (LBG) ou ASCUS.

Cette discordance cyto-colposcopique peut s'expliquer comme un faux positif du frottis ou un faux négatif de la colposcopie, voir une possible régression des lésions entre le temps du frottis et celui de la colposcopie.

Signification de la discordance cyto-colposcopique.

I) Faux positif du frottis

Ils représentent 5 à 9% des frottis anormaux et sont d'autant plus importants que le frottis initial est classé ASCUS [4].

Dans une importante étude pour analyser la prise en charge des LBG et des ASCUS (étude ALTS [5,6]) Stoler note, à partir d'une série de 4948 frottis en monocouche revus par des pathologistes du groupe de contrôle de qualité, un taux de 38,7% de faux positif en cas de frottis initial interprété comme ASCUS, 4,3% de faux positifs si ce frottis était LBG et 3,2% si le frottis était classé haut grade [7]. Cette variabilité inter observateur s'exprime par un kappa de 0,46 [0,44-0,48], 1 étant la concordance parfaite ! Certaines situations favorisent les faux positifs du frottis: l'atrophie de la femme ménopausée non traitée, celle du post partum, les anomalies cellulaires induites par l'inflammation, post radique ou après chimiothérapie.

II) Régression spontanée d'un vrai positif du frottis

Cette situation semble peu fréquente et reste difficile à prouver. On peut l'affirmer par la relecture du frottis initial, confirmant la lésion, et la disparition de toutes cellules anormales dans les frottis suivants et en particulier celui réalisé le jour de la colposcopie normale. Il s'agit d'un diagnostic d'élimination qui ne nous dispense pas d'un nouveau frottis de contrôle 6 mois plus tard avant de replacer la patiente dans un suivi de routine.

III) Faux négatif de la colposcopie :

Une colposcopie faussement négative peut correspondre à plusieurs situations ;
une colposcopie satisfaisante (zone de jonction bien visible) considérée comme normale, la lésion est alors soit très petite et échappe à la colposcopie, soit de localisation endocervicale. Cette situation est peu fréquente, elle est difficile à différencier d'un faux positif du frottis dans la mesure où aucune biopsie n'est généralement réalisée,
une colposcopie avec anomalies mineures dont les biopsies reviennent normales (le cas le plus fréquent),
une colposcopie non satisfaisante, c'est à dire avec une zone de jonction non totalement visible.

Dans une méta analyse Mitchell a trouvé une sensibilité de la colposcopie de 96 % avec toutefois une spécificité de 48 % [8]. La sensibilité est d'autant meilleure que le frottis initial est de haut grade (LHG) [8]. Le taux de colposcopie normale ou non satisfaisante est largement dépendant du degré de l'anomalie cytologiquc ayant motivé la colposcopie.
Solomon ne trouve que 9,6% de colposcopie normale ou non satisfaisante après un frottis de haut grade [6]. La reproductibilité ínter observateur n'est pas non plus parfaite. Ainsi Stoler dans l'étude ALTS note 63/685 (9,2%) faux négatifs de la colposcopie après relecture du groupe expert [7].

Peu d'études se sont intéressées au faux négatif de la colposcopie. Et pour cause il est parfois difficile d'envisager un geste d'exérèse sur un col normal en colposcopie.

Risque évolutif

En l'absence d'histologie le suivi régulier de ces frottis anormaux avec une colposcopie normale est la seule méthode pour évaluer le risque de négliger une lésion sous jacente ou de voir apparaître une lésion.

Peu d'études ont réalisé un suivi à distance de ce type de patientes [1,4, 13-15].

Prise en charge en cas de discordance cyto-colposcopique.

I. Place du typage viral ?

Nuovo [16] a réalisé un typage viral le jour de la colposcopie d'une cohorte de 109 patientes avec un frottis anormal et une colposcopie négative. Quarante deux pour cent étaient positifs pour HPV en PCR. Dans 26 cas (24 %) une lésion est apparue se répartissant en 18 pour le groupe HPV positif (39%) et 8 pour celui HPV négatif(13%). De plus il n'y avait pratiquement pas de CIN chez les patientes dont le frottis répété se normalisait et ce même s'il y avait présence initiale d'HPV.

Stoler montre avec l'étude ALTS que les vrai négatifs ASCUS(confirmé par le groupe qualité) ont presque le même taux d'HPV que les faux positifs ASCUS (classés négatif par le groupe qualité) à savoir 31% vs 37%. Ceci montre la faible capacité de triage d'HPV par rapport au frottis relu quant à définir les faux positifs du frottis [7].

II. Conduite à tenir [17]

En cas de discordance cyto colposcopique, il ne faudra pas oublier de bien explorer le vagin à la recherche d'une lésion pouvant expliquer l'anomalie du frottis alors que la colposcopie est normale. Et si la jonction est non ou mal vue, un curetage de l'endocol est réalisé.

Un frottis de contrôle après un délai de 2 à 3 mois est souhaitable en prenant soin d'améliorer les conditions locales: traitement d'une infection ou inflammation locale, préparation par des oestrogènes chez la patiente ménopausée non traitée. Si les anomalies cytologiques persistent, une seconde colposcopie est souhaitable afin d'éliminer un faux négatif de la colposcopie.

En l'absence de toute lésion visible, la conduite à tenir dépend du degré d'anomalie du frottis.


Conclusion

L'association frottis anormal et colposcopie normale doit nous faire envisager en priorité un faux négatif de la colposcopie puisque c'est ce qui a le plus de conséquences pour la patiente. Une lésion sous jacente est trouvée dans 5 à 47% des cas mais parfois plusieurs années plus tard. Un suivi régulier de ces patientes est nécessaire pour ne pas rater une lésion. La gravité du frottis initial (LHG et atypie glandulaire) et l'âge de la patiente doivent nous inciter àréaliser des investigations complémentaires.

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