Collège de Gynécologie du Centre-Val de Loire

Journée d'infectiologie du 7 septembre 2002

Doit-on traiter les mycoplasmes génitaux ?
Jean-Marc Bohbot
Institut Fournier Paris

 

Trois espèces de mycoplasmes infectent les voies génitales.

Deux sont fréquemment retrouvées : Ureaplasma urealyticum (UU) et Mycoplasma hominis (MH). L’une plus rarement en raison des difficultés techniques de mise en évidence : Mycoplasma genitalium (MG) .

Ces trois espèces de mycoplasmes ont un pouvoir pathogène démontré.
Pour UU et MH, ce pouvoir pathogène ne s’exprime qu’au delà de 10p4 ucc / ml de sécrétions génitales ou d’urines.

MH est retrouvé dans la flore normale de 13 à 22 % des femmes en bonne santé(1).

Sa pathogénicité masculine est mal connue : si les urétrites masculines à Mh existent leur fréquence demeure faible. Néanmoins, devant la découverte d’une infection génitale féminine à Mh, il est prudent de conseiller au partenaire de faire pratiquer un dépistage. Chez la femme, MH se manifeste par des symptômes relativement mineurs : leucorrhées sans caractéristiques particulières, parfois inflammation vulvo-vaginale. L’association de MH avec des anaérobies modifie le tableau clinique. Sa responsabilité au cours d’infections pelviennes est loin d’avoir été établie. En revanche, on considère que MH peut être la cause de prématurité, de petit poids à la naissance, de septicémie néonatale, de chorioamniotite... Les critères de mise sous traitement pendant la grossesse sont encore flous. S’il est nécessaire, ce traitement doit être instauré en fin de grossesse.

UU est retrouvé chez 0 à 80 % des femmes bien portantes (2) .

De multiples hypothèses (2) ont été émises quant aux facteurs favorisant la multiplication et donc la pathogénicité d’UU : rôle des oestrogènes, de la grossesse, de l’association avec d’autres MST... Son pouvoir d’adhérer sur les parois cellulaires est un des facteurs importants de sa pathogénicité. Son adhérence sur les cellules épithéliales serait favorisée par la production d’une protéase anti-IgA. Sa fixation cellulaire s’opère grâce à des adhésines spécifiques d’espèces. Par ailleurs, UU est susceptible d’induire la production de cytokines comme l’interleukine 6 et l’interleukine 8 responsables de dégâts tissulaires et facilitateurs de l’activité délétère d’autres microorganismes.

La colonisation vaginale par UU à un taux > 10p4 ucc / ml est associée à des symptômes très divers, mais parfois à une absence totale de manifestations : leucorrhées isolées, vulvo-vaginite subaiguë, urétrite... L’association avec des germes responsables de vaginose (anaérobies, Gardnerella vaginalis) est fréquente et modifie les tableaux cliniques. Dans l’état actuel de nos connaissances, UU ne semble pas jouer un rôle important dans les infections génitales hautes chez les femmes non enceintes2. On peut donc rassurer les femmes porteuses d’UU (et plus particulièrement celles atteintes de récidives fréquentes) sur le très faible risque de complications majeures.

Le rôle d’UU dans l’infertilité du couple est également très controversé (2). Pour certains auteurs, la présence d’UU dans le sperme conduirait à des troubles de la mobilité des spermatozoïdes et à une diminution de leur pouvoir de pénétration. Chez la femme, UU a été incriminé dans des troubles de la fertilité liés à des anomalies de l’endomètre, ou à la production d’anticorps anti-spermatozoïdes. Malheureusement, beaucoup trop de travaux contradictoires ne nous permettent pas de fixer une ligne de conduite précise vis-à-vis de ce problème.

Au cours de la grossesse, en revanche, il semble que la responsabilité d’UU dans une pathologie maternofoetale grave soit indiscutable (3). L’infection chorioamniotique par UU est associée avec un risque de prématurité, de petit poids à la naissance, voire de mortalité néonatale. Le risque de déclenchement prématuré du travail est multiplié par 14 en cas de présence d’UU dans le placenta (2) . UU dans le placenta est également associé à une fièvre du per ou du post-partum, à une endométrite post-césarienne. Chez le nouveau-né, la présence d’UU peut être asymptomatique ou se manifester par une pneumonie aiguë ou des infections pulmonaires chroniques, entre autre.

En revanche, la simple présence d’UU dans le vagin d’une femme enceinte n’est pas corrélée avec des risques néo-nataux ou de prématurité. Malheureusement, seule la sérologie permettrait de détecter les femmes à risques, c’est-à-dire celles victimes d’une colonisation du placenta. Ce test n’est pas encore utilisé en routine et présente un manque de spécificité important.

Le risque de transmission sexuelle est bien réel. L’homme peut être atteint d’urétrite à UU (UUest responsable de 10% des cas d’urétrites non gonococciques (4), voire de prostatite subaiguë. En cas d’infection féminine, la recherche d’UU chez le partenaire (urètre ou 1er jet d’urines) est indispensable.

Conduite à tenir

Chez une femme asymptomatique non enceinte, la découverte de MH ou d’UU même à des taux significatifs, le traitement est inutile.

Chez une femme symptomatique, la découverte de MH ou et UUà des taux significatifs doit entraîner un examen systématique du partenaire (à partir de l’urètre ou du 1er jet d’urines), et la mise sous antibiotique en fonction de l’antibiogramme (traitement de 7 jours). On optera plutôt pour une famille antibiotique sans action délétère sur les lactobacilles (macrolides par exemple).

En cas de récidives, il faut éliminer une recontamination à partir d’un partenaire non traité ou une mauvaise observance du traitement.

Mais le plus souvent, les récidives sont dues au fait que le développement de mycoplasmes à un taux élevé est la conséquence d’un déséquilibre de l’écosystème vaginal. De plus, l’association avec une prolifération de germes anaérobies est très fréquente. Dans ces conditions, il est évident que le traitement antibiotique évoqué plus haut ne peut résoudre le problème. En cas de récidive, il faut donc éviter une nouvelle antibiothérapie " classique " mais plutôt prescrire un traitement général par métronidazole (1 g par jour pendant 7 jours) actif sur la flore anaérobie en association avec des traitements correcteurs de la flore : par exemple traitement local associant acide lactique et glycogène pendant 7 à 14 jours suivi d’un traitement oestrogénique local pendant quelques semaines. On peut également rassurer ces patientes souvent très inquiètes (plus de la persistance biologique du germe que de la gêne occasionnée), sur le faible risque de complications et donc espacer les contrôles bactériologiques.

Au total,

la présence à des taux significatifs d’UU ou de MH peut être le reflet d’une contamination sexuelle, mais beaucoup plus souvent le marqueur d’un trouble de l’écosystème vaginal. Le partenaire doit donc être examiné systématiquement, mais la notion d’infection sexuellement transmissible doit être évoquée avec prudence.

BIBLIOGRAPHIE

SPIEGEL CA. Bacterial vaginosis. Clin Microbiol Reviews Oct 1991 : 485-502.

HUDSON MMT, TALBOT MD. Ureaplasma urealyticum. Int J STD & AIDS 1997; 8:546-51.

ESCHENBACH DA. Ureaplasma urealyticum and premature birth. Clin Infect Dis 1993;17 (Suppl 1): S 100-6.

HORNER PJ. European guideline for the Management of urethritis. Int J STD & AIDS 2001;12 (suppl.3):63-7.

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