Collège de Gynécologie du Centre-Val de Loire

Hirsutisme de l'adolescente
Image et Imaginaire: Adolescence et Découverte du corps

Hirsutisme de l'adolescente
Dr H. Crosnier
Service de Pédiatrie - Site de Saint-Germain-en-Laye, Centre Hospitalier Intercommunal de Poissy-St Germain en Laye (78).

L'hirsutisme est le développement excessif de la pilosité dans des territoires qui en sont normalement dépourvus chez la jeune fille ou la femme, soit : le visage (lèvre supérieure et menton), le thorax (partie supérieure du dos et poitrine), la ligne blanche, la région fessière, la moitié inférieure du dos et la région intergénitocrurale. La constatation d'un hirsutisme impose de rechercher une hyperandrogénie

L'hirsutisme ne doit pas être confondu avec l'hypertrichose qui est le développement excessif des poils somatiques ; elle est souvent familiale et constitutionnelle, et se manifeste très souvent dès l' enfance, avant le démarrage de la puberté . L'hypertrichose n' est pas liée à un état d' hyperandrogénie et ne ne nécessite aucune exploration. Chez la petite fille impubère une hyperandrogénie se manifestera par un pilosité pubienne précoce, une acné, une accélération de croissance ...

Physiopathologie

La synthèse des androgènes chez la femme se produit dans l'ovaire, dans la surrénale et dans certains tissus périphériques (peau, tissu musculaire et tissu adipeux). La peau, et en particulier le follicule pilosébacé, est considéré comme un organe - cible des androgènes (Figure 1). L'hirsutisme peut correspondre
- soit à une hyperproduction d'androgènes (testostérone, delta-4-androstènedione, déhydroisoandrostérone DHA ou son métabolite sulfaté DHAS) par l'ovaire ou par la surrénale
- soit à une hypersensibilité du follicule pilosébacé aux androgènes circulant à un taux normal. Une hyperactivité primitive constitutionnelle de la 5alpha-réductase expliquerait l'hirsutisme de certaines adolescentes.

Les différentes étiologies

Hyperproduction d'androgènes

a. d'origine surrénalienne
II s'agit des formes non classiques, tardives, d'hyperplasie congénitale des surrénales

par bloc en 21-hydroxylase le plus souvent (plus rarement bloc en 11-hydroxylase). Selon l'ensemble des cas rapportés dans la littérature ces formes représentent 5 à 6% des cas d'hirsutisme chez l'adolescente et la femme. La 17 OHP , prélevée tôt le matin, est en général élevée; toutefois le taux de 17 OHP peut être normal. La réponse au Synacthène est explosive et fait le diagnostic.

On doit également rechercher un déficit, très rare, en 3béta-hydroxystéroide déshydrogénase : taux de stéroïdes deltas (DHA, DHAS et 17alpha-OHprégnénolone) 3 fois plus élevés que la limite supérieure de la normale et 17 OHPrégnénolone/ 17 OHP >15 (test au Synacthène).

Les tumeurs virilisantes de la surrénales sont très rares

elles s'accompagnent souvent d'une augmentation importante des taux de DHAS (DHA). Ces tumeurs sont visibles à l'échographie ou au scanner surrénalien.

b. d'origine ovarienne
Les dysfonctionnements ovariens

comprennent le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) et les dystrophies ovariennes ; ces dernières sont des causes très fréquentes (environ 42% des cas) d'hyperandrogénie ovarienne à l'adolescence. Beaucoup de dystrophies ovariennes sont transitoires mais elles peuvent évoluer vers un véritable SOPK. Au cours de l'adolescence aucun critère ne peut permettre de prévoir cette évolution.

Une adolescente est suspecte de dystrophie ovarienne quand elle présente : une augmentation modérée de la testostérone, un taux élevé de delta4androstènedione (> 3,5 ng/ml) et un taux élevé de LH (avec un rapport LH/FSH > 2) qui correspond à un accroissement de l'amplitude et de la fréquence des pulses.

Classiquement le SOPK associe un hirsutisme, une oligospanioménorrhée et une obésité (en fait inconstante chez l'adolescente). Les signes biologiques de dystrophie ovarienne sont présents. Le test au LHRH, non. nécessaire, montre une réponse explosive de la LH. De plus on observe une hyperśstrogénie avec un taux élevé d'śstrone. La prolactine est normale ; dans certains cas il existe un hyperinsulinisme. L'échographie, dont l'interprétation doit tenir compte des caractéristiques des ovaires chez l'adolescente, n' est évocatrice de SOPK que : si le volume de l'ovaire est > 10 mm3, s'il existe des microkystes en nombre > 5, de 4 à 9 mm de diamètre et répartis en périphérie, avec une augmentation du stroma. Aucun paramètre échographique pris isolément ne peut constituer un argument de certitude sauf l'augmentation du stroma.

La physiopathologie des dystrophies ovariennes est complexe. Plusieurs hypothèses sont discutées : soit un trouble d'origine hypothalamique soit un trouble d'origine ovarienne (hyperactivité du cytochrome P450c17a de la 17hydroxylase et de la c17,20 lyase ovariennes entraînant une augmentation de delta4 ovarienne).

II a été montré (Ibanez) qu' une proportion importante de filles ayant eu une pubarche précoce étaient susceptibles de développer une dystrophie ovarienne 3 ans et plus après la ménarche. L' existence d' un RCIU semble être un facteur aggravant.

Les tumeurs ovariennes

donnent un hirsutisme évolutif avec une testostérone circulante > 1,2 - 1,6 ng/ml. II s'agit souvent de tumeurs bénignes, de très petites tailles, difficiles à différencier. Un cathétérisme veineux des veines ovariennes permet dans certains cas de faire le diagnostic.

2 Hirsutisme idiopathique

Le caractère en est souvent familial. II s'agit également d'une cause fréquent d'hirsutisme (40%). Les cycles restent réguliers et ovulatoires. Les taux d'androgènes sont normaux, de base et sous Synacthène. Le taux de prolactine est normal.

Examen clinique

Anamnèse familiale

Recherche d'hirsutisme et/ou de troubles des règles dans la famille. Origine ethnique et géographique.

Anamnèse personnelle

• Existence d' un RCIU?

• Elaboration de la courbe de croissance et recherche d'une anomalie de croissance : accélération de la croissance avant la puberté?

• Age d'apparition des premiers signes pubertaires et en particulier de la pilosité pubienne (P2 - pilosité pubienne précoce?); âge des 1 ° règles.

• Age d'apparition des premiers symptômes et évolutivité.

• Poids et taille actuels : obésité ?(BMI = Poids (kg)/Taille2 (m2)).

• Appréciation de l'intensité de l'hirsutisme (score de Ferriman et Gallway) : un état d' hirsutisme est défini pour un score > 8

Recherche de signes associés

• Troubles des règles : une spanioménorrhée le plus souvent (toutefois cette situation peut être physiologique dans les deux années qui suivent la ménarche), une aménorrhée souvent secondaire ou, plus rarement , des métrorragies.

• Acné, inconstante, non spécifique.

• Autres signes d'hyperandrogénie, très peu fréquents : raucité de la voix, augmentation de la taille du clitoris, augmentation des récessus (golfs) temporaux voire perte des cheveux.

Examens complémentaires

De première intention entre le 3° et le 8° jour du cycle, doivent être réalisés les dosages sanguins suivants :

Testostérone, Delta4 Androstènedione, DHAS ou DHA, 17-hydroxyprogestérone (17 OHP), Composé S, Oestradiol, LH, FSH, Prolactine.

La recherche d'une étiologie est indispensable et le diagnostic différentiel est à faire entre une hyperandrogénie endocrinienne pathologique et un hirsutisme constitutionnel (ou idiopathique).

Un test au Synacthène peut se révéler nécessaire ainsi que secondairement un test au LH-RH.

Certains proposent la réalisation d' un test au LHRHa (dosage de la 17 OHP) pour différencier les hyperandrogénie d' origine ovarienne des autres causes;

Echographie pelvienne (mesure du volume ovarien) et échographie surrénalienne.

Traitement

II s'agit de supprimer la cause d'hyperproduction d'androgènes et d'inhiber l'utilisation des androgènes circulants. Dans tous les cas, au bout de quelques mois, on peut y associer un traitement esthétique (épilation électrique).

En cas de tumeur, ovarienne ou surrénalienne, la cure est chirurgicale.

En cas de dystrophie ovarienne

- Acétate de cyprotérone (Androcur) qui a une action antigonadotrope et antiandrogène périphérique (inhibition compétitive de la liaison de la DHT à son récepteur) : 50 mg/j du 5° au 25° jour du cycle, associé à

- Estradiol (17 béta-śstradiol) 2 mg/j per os (soit 1 cp de Provames®, ou 1 cp de Estreva®, 1 cp de Progynova©, 1 cp d' Estrofem®), également du 5° au 25° jour du cycle.

En cas d'hyperplasie des surrénales :

- Hydrocortisone systématiquement en cas d'insuffisance en cortisol ou de façon intermittente en cas de stress (maladie, intervention chirurgicale, ...) ; le traitement par hydrocortisone est insuffisant pour traiter l'hirsutisme. On rajoute Androcur et Estradiol.

Hirsutisme idiopathique :

Androcur et Estradiol.

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Image et Imaginaire
Adolescence et Découverte du corps
Michèle Lachowsky, gynécologue.
Attachée consultant - Service Gyn-Obs - Pr P Madelenat. Hôpital Bichat - Paris.

L'adolescence ne nous paraît guère un état, et encore moins le statut qu'on veut en faire aujourd'hui, mais bien plutôt un temps en mouvement, temps de travail et de crise.

Processus un peu paradoxal, où à partir de ce corps déjà plus ou moins construit de l'enfance doit se constituer un corps tout nouveau, nśud de sens et de sensations, soumis au regard de l'autre. L'autre de sa tribu essentiellement, mais aussi l'autre sexe.

C'est la grande aventure de l'adolescence, la découverte ou plutôt l'appropriation de son corps sexué, aventure étonnante, inédite pourrait-on dire, car manquent à l'enfant les mots pour le dire et à l'adulte les rites du passeur.

Le gynécologue a-t-il dans notre société un rôle à jouer, une main et une oreille à tendre pour faciliter cette transition, cet "accouchement"?

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