h College de Gynecologie Centre Val de Loire: Vinci 1998

Collège de Gynécologie du Centre-Val de Loire

Pathologie dermatologique de la vulve
Les troubles du cycle menstruel de la période pubertaire et la dysménorrhée

Pathologie dermatologique de la vulve
Dominique Hamel-Teillac**Service de Dermatologie
Hôpital Necker-Enfants Malades PARIS- France

Les dermatoses vulvaires de l'enfant peuvent être isolées, ou associées à une pathologie dermatologique. Nous ne pourrons pas détailler toutes les localisations des dermatoses de la région vulvaire et insisterons sur les lésions qui, soit par leur fréquence, soit par les problèmes spécifiquement pédiatriques qu'elles posent, méritent d'être détaillées.

L'examen gynécologique de l'enfant demande une approche progressive, de la patience; une bonne coopération de l'enfant et la présence de la mère sont nécessaires; les données de l'interrogatoire sont importantes, précisant l'ancienneté des lésions, l'existence d'antécédents personnel ou familial.

Rappelons ici que, du fait des rapports anatomiques chez la fillette, des signes fonctionnels et/ou des lésions vulvaires, peuvent être en rapport avec une pathologie anale, ou liées à une malformation urinaire ou génitale (ambiguïté sexuelle, abouchement ectopique d'un uretère à la vulve ou dans le vagin..). En cas de pathologie "traînante" ou de doute diagnostique, un avis gynécologique et/ou chirurgical est indispensable.

Selon l'âge existent certaines variations physiologiques:

- A la naissance, sous l'influence hormonale maternelle, la vulve est congestive avec une leucorrhée habituelle, parfois même, un léger saignement de quelques jours("crise génitale néonatale"). Cet état peut durer 3 semaines.

- L'hymen est le plus souvent annulaire avec un orifice central, mais de nombreuses variations physiologiques existent.

- La vulve infantile ne présente aucune pilosité ni sécrétion particulière. - A la puberté, les grandes lèvres s'épaississent et augmentent en longueur, les petites lèvres apparaissent; le vestibule devient plus irrégulier et le méat urinaire plus difficile à voir. Le clitoris augmente de taille pendant que la pilosité du mont de Vénus et des grandes lèvres apparaît. Des mucosités blanches recouvrent la surface vulvaire.

I. Pathologie des grandes lèvres.

*La hernie de l'ovaire reste inguinale et ne descend pas dans le bourrelet labial.

*Le kyste du canal de Nück se présente sous la forme d'une tuméfaction rénitente de la partie supérieure de la grande lèvre; cette lésion, parfois d'installation aiguë est non impulsive à la toux; c'est l'équivalent du kyste du cordon chez le garçon; le diagnostic différentiel est la pathologie herniaire et surtout le rhabdomyosarcome de la grande lèvre(mais le kyste est anéchogène à la différence du rhabdomyosarcome) et le traitement chirurgical.

*Le kyste de la glande de Bartholin n'existe pas avant la puberté: il réalise une masse inférieure de la grande lèvre, arrondie, lisse, régulière, rénitente; le traitement est chirurgical.

*Les kystes épidermoides et dermoïdes sont de localisation variable au niveau des grandes lèvres.

II. Pathologie des petites lèvres

La coalescence des petites lèvres

est relativement fréquente ; elle consiste en une fusion médiane, acquise, inflammatoire des bords libres des petites lèvres ; la zone d'accolement est plus ou moins étendue, blanche , peu épaisse, presque transparente, avasculaire. La fusion des petites lèvres n'est jamais totale, laissant passer les urines lors de la miction.
Elle est acquise et sa découverte se fait de l'âge de quelques mois à 6-7 ans. Elle est le plus souvent asymptomatique, mais l'attention peut être attirée par des signes urinaires (dysurie, dispersion du jet) ou locaux(vulvite). Le diagnostic différentiel avec une occlusion hyménéale ou une ambiguïté sexuelle est facile.
L'attitude pratique vis à vis de cette anomalie n'est pas tranchée: la guérison spontanée en quelques mois ou lors de l'imprégnation œstrogénique prépubertaire justifie l'abstention pour certains. Pour d'autres, du fait de quelques symptômes ou de l'inquiétude familiale, la levée de la synéchie peut se faire, soit en consultation par traction douce mais ferme des grandes lèvres, soit chirurgicalement. Il faudra, en cas de traitement, insister sur les soins locaux, afin d'éviter une récidive fréquente (toilette attentive par la mère, application d'un émollient, pour certains associé à une œstrogénothérapie locale: Colpotrophine).

Le kyste muqueux

peut être situé sur la muqueuse vulvaire ou sur la face interne d'une petite lèvre; de contenu transparent, il est souvent sessile et sa consistance est rénitente.

III Pathologie méatique et periméatique

Les kystes vulvaires congénitaux (encore appelés kystes des glandes de Skène)

s'observent chez 1 à 5% des nouveau-nés; il s'agit d'une tuméfaction kystique, arrondie, jaunâtre, avec déviation du jet urinaire. Ils peuvent disparaître spontanément en quelques semaines, mais récidivent parfois, nécessitant une exérèse chirurgicale.

La pathologie du méat est chirurgicale:

citons le prolapsus de la muqueuse urétrale, l'urétérocèle prolabée. Enfin l'abouchement ectopique de l'uretère peut se faire dans l'urètre, le vagin ou la vulve; il existe alors un suintement permanent d'urine en cas de pyélon sécrétant.

Les anomalies d'abouchement de l'urètre

s'intègrent dans des anomalies vulvaires cliniques majeures: il faut dans ce cas toujours faire une échographie rénale (agénésie),et la recherche d'une duplication müllérienne partielle(vagin seul) ou complète (urétérovaginale).

I1 faut également rappeler que certaines pathologies vaginales sont à expression vulvaire . rhabdomyosarcome, kystes du canal de Gartner ....La découverte d'une tuméfaction vulvaire de l'enfant doit faire évoquer ces diagnostics et nécessitent une prise en charge spécialisée.

IV Autres lésions vulvaires

Des localisations spécifiques de maladies malignes

sont possibles (leucoses, lymphomes, métastases) et un nodule persistant doit être biopsié.

De nombreuses tumeurs bénignes

peuvent se développer dans la région vulvaire de l'enfant ; nous citerons ici les syringomes, les lipomes, les hidradénomes papillifères siégeant préférentiellement à la face interne de la grande lèvre, pour insister sur les localisations vulvaires de la maladie de Recklinghausen (NFl).La fréquence de la localisation vulvaire de cette affection est difficile à préciser ; il peut s'agir de tumeur infiltrant la grande lèvre de façon parfois très importante, de petits névromes plexiformes, de neurofibromes mous, de nombreuses taches café au lait, de schwannome. L'atteinte clitoridienne a été rapportée plusieurs fois et peut simuler un pseudo-hermaphrodisme.

Enfin, si des nævus banals

peuvent être localisés dans la région vulvaire, rappelons que la localisation "en caleçon" des grands nævus congénitaux est fréquente, associée ou non, à des lésions "en dalmatien"; l'exérèse ou la surveillance sont difficiles dans cette localisation.

Les angiodysplasies de la région vulvaire comportent des risques infectieux et quelques aspects particuliers.

Les hémangiomes tubéreux ou mixtes de la vulve

évoluent par la classique phase d'extension et de croissance dans les premiers mois de vie, pour se stabiliser puis régresser progressivement. leur aspect rouge framboisé, posé sur peau normale ou siégeant sur une tuméfaction bleutée est de diagnostic facile. Les complications infectieuses y sont plus fréquentes du fait de la colonisation possible par des germes d'origine digestive, de l'occlusion et de la macération sous les couches. Une surinfection, un aspect suintant, croûteux voire nécrotique (souvent très douloureux), nécessitent une antibiothérapie par voie générale, des soins locaux antiseptiques et antibiotiques, de pansements hydrocolloïdes, et en cas d'échec d'un traitement par laser à colorant. Cette localisation ne justifie pas une corticothérapie par voie générale du fait du risque infectieux et de l'augmentation des phénomènes de nécrose.

Les lésions peuvent être télangiectasiques,

plus étendues, associées à une atteinte vulvovaginale, clitoridienne, parfois accompagnée de saignements. Un avis gynécologique permet de préciser l'existence d'une éventuelle extension vaginale; l'évolution est spontanément régressive, mais les angiomes clitoridiens nécessitent fréquemment un geste chirurgical après la phase de régression initiale.

Parfois les lésions s'intègrent dans le cadre d'une angiodysplasie complexe,

plus ou moins étendue, plus ou moins visible : il est donc important de toujours bien examiner la région périnéo-fessière, à la recherche d’un souffle, d'une asymétrie de longueur des membres inférieurs( justifiant une surveillance), d'une extension pelvienne; ainsi certains examens complémentaires peuvent être utiles: radiographies comparatives des membres inférieurs, I.R.M., angiographie numérisée ....

Les angiomes plans de la région vulvaire

peuvent également être isolés, ou s'intégrer dans le cadre d'une angiodysplasie complexe (inégalité de développement d'un membre, fistule artério-veineuse...). Rappelons que toute lésion (angiolipome, hamartome...)située dans la région sacrée peut être un marqueur cutanée d'une anomalie médullaire sous jacente(moelle implantée basse), et justifie donc d'une échographie chez le nourrisson de moins de 3 mois et d'une IRM chez le plus grand.

L'angiome peut être de type veineux,

bleuté, avec parfois de grosses veines ectasiques. Il justifie là encore, une exploration pour en apprécier l'extension.

Les lymphangiomes

imposent des problèmes diagnostiques et thérapeutiques. Si le diagnostic est facile devant une lésion étendue, avec aspect caractéristique en "fraie de grenouille" fait de vésicules transparentes, groupées, éventuellement associée à une hypertrophie d'une grande lèvre et une atteinte de la cuisse homolatérale (voire d'un lymphœdème de tout le membre), il est plus difficile devant quelques vésicules parfois séparées les unes des autres, translucides, où le diagnostic peut se poser avec des molluscum contagiosum, des lésions virales. Des poussées inflammatoires peuvent survenir, classiquement déclenchées par des traumatismes, justifiant une antibiothérapie et une corticothérapie par voie générale de court durée. Cette pathologie justifie également un bilan d'extension par IRM. La prise en charge thérapeutique est délicate puisque l'on connaît les risques de poussées infectieuses et/ou inflammatoires post-opératoires, les risques de lymphorrhées chroniques persistantes en post chirurgical, risques qu'il faudra peser devant la gène fonctionnelle avant de poser une indication opératoire.

V Pathologie infectieuse

La bartholinite aiguë

est rare chez l'enfant réalisant un tableau d'abcès de la grande lèvre.

Les vulvovaginites

de la fillette prépubaire sont rares. La mère amène sa fille qui a déjà suivi plusieurs traitements ; les signes cliniques peuvent être un érythème vulvaire, isolé ou accompagné de signes fonctionnels à type de prurit, brûlures urinaires, leucorrhées ...C'est l'examen clinique qui précise l'existence d'une vulvite isolée ou associée à des lésions dermatologiques(papules, érosions, coexistence d'un érythème fessier chez le nourrisson, de signes anaux...).L'interrogatoire précise l'ancienneté des signes, la notion de signes cliniques associés (diarrhée), de signes familiaux (prurit anal), la notion de lésion génitale familiale.

II s'agit le plus souvent de vulvite isolée :

la vulve est rouge, parfois recouverte d'une sérosité, l'érythème peut être localisé ou s'étendre vers la région périanale, le périnée, les plis. La lumière du vagin est parfaitement visible sans instrument spécial: il suffit d'installer l'enfant au bout de la table d'examen, genoux pliés et écartés; en attirant doucement vers la mère et en écartant les grandes lèvres, l'hymen s'ouvre et on peut voir la moitié inférieur du vagin. Les prélèvements bactériologiques, ici, sont le plus souvent inutiles car la vulve est le siège de multiples germes non pathogènes.

Dans ce cas, il faut rassurer la mère et l'enfant, insister sur la nécessité d'un essuyage d'avant en arrière, d'une hygiène quotidienne simple, non agressive (linge en coton...). On peut proposer temporairement une toilette antiseptique à bien rincer, associée éventuellement à un topique antimycosique sur une durée brève. Il est essentiel pour la réussite du traitement d'insister sur le caractère banal de ces vulvites en expliquant qu'elles sont fréquentes, volontiers récidivantes jusqu'à l'âge de 8 ans, liées à la proximité des orifices anal et génital chez l'enfant; elles disparaissent définitivement avec le début des transformations morphologiques qui accompagnent la puberté.

Plus rarement existe une vaginite associée :

la lumière vaginale est le siège d'un écoulement purulent; habituellement il s'agit de vulvo-vaginite non spécifique à germes variés: streptocoque, staphylocoque, proteus, colibacille, entérocoque. Mais il peut s'agir d'une vulvo-vaginite spécifique: mycose, gonocoque, chlamydiae, trichomonas... s'intégrant alors dans le contexte d'une maladie sexuellement transmissible. Le prélèvement est indispensable et une enquête familiale est nécessaire. Le traitement sera adapté à l'antibiogramme et sera local et général.

L'existence de leucorrhées blanchâtres glaireuses

doit faire rechercher des signes d'œstrogénisation; une leucorrhée apparaît dès le début de la puberté, elle est physiologique et ne doit donner lieu à aucun traitement.

I1 faut rappeler ici qu'une vulvo-vaginite persistante de la petite fille peut être le fait d'un corps étranger intravaginal.

Une symptomatologie vulvaire persistante de l'enfant doit faire éliminer une cause urinaire et/ou anale : oxyurose en particulier et un traitement systématique permet d'éliminer cette cause.

Enfin tout écoulement vulvaire prolongé, à fortiori si il est associé à une tuméfaction vulvaire, doit faire chercher un rhabdomyosarcome vulvovaginal(biopsie).

Les dermatoses périnéofessières

ont déjà été largement décrites; l'érythème fessier du nourrisson est fréquent ; la syphilis congénitale est rare; l'ecthyma gangreneux, la cellulite infectieuse doivent faire éliminer un déficit immunitaire sous-jacent de même qu'une pathologie infectieuse récidivante (recherche également de gîtes microbiens).

L'anite streptococcique

est une entité clinique rare bien définie ; elle se caractérise par un érythème à point de départ périanal le plus souvent isolé. La symptomatologie fonctionnelle associe une sensibilité, un prurit périanal, plus rarement des signes urinaires et/ou anaux. Cliniquement, on retrouve un érythème périanal franc, à limites nettes, avec parfois un œdème, une sensibilité à la palpation; il peut s'y associer des excoriations, des fissures. L'âge de survenue se situe aux alentours de 5 ans, mais il existe un retard important au diagnostic (les diagnostics les plus fréquemment évoqués sont les lésions proctologiques, le psoriasis, l'oxyurose, les lésions candidosiques, les sévices sexuels, les maladies inflammatoires du tube digestif...). Cette affection, plus fréquente chez le garçon, est due au streptocoque béta hémolytique du groupe A retrouvé au niveau anal; les prélèvements pharyngés sont le plus souvent négatifs. L'anite streptococcique nécessite un traitement par Pénicilline V au moins trois semaines (il est parfois nécessaire de traiter plus longtemps pour négativer les prélèvements bactériologiques).

Les lésions vulvaires d'origine virale

Les condylomes génitaux
sont dus à des papillomavirus ; cette affection est considérée chez l'adulte comme une affection sexuellement transmissible. Chez l'enfant la discussion reste ouverte pour savoir si ces lésions doivent faire suspecter des abus sexuels. Les données de la littérature permettent de préciser les points suivants
"La fréquence des condylomes est en augmentation chez l'enfant; il existe une prépondérance féminine, et la localisation est le plus souvent périanale
"L'âge moyen de survenue se situe autour de 3 ans et la découverte est le plus souvent fortuite

"Des études de typage viral ont permis de retrouver les H.P.V.6 et 11 dans les lésions (H.P.V. classiquement responsables des condylomes de l'adulte), mais également H.P.V.2, responsable classiquement des verrues vulgaires, et parfois retrouvées dans l'entourage familial de l'enfant. Si ces études ne permettent pas de trancher formellement sur le mode de transmission des condylomes chez l'enfant, il est certain qu'il existe des modes de transmission autre que vénérienne : nursing, linge ... . Un interrogatoire familial sur la notion de verrues, de condylomes dans l'entourage de l'enfant ainsi qu'un examen clinique systématique de la famille est indispensable avant d'envisager des abus sexuels. L'association condylomes/ dysplasie sévère vulvopérinéale a été décrite chez l'adulte; les cas de papulose bowénoïde de l'enfant sont exceptionnels(un typage viral permettrait de suivre plus particulièrement les enfants ayant des condylomes à HPV potentiellement oncogènes(HPV 16,18,31)).

Le traitement nécessite une bonne coopération de la famille: il repose sur l'application locale au coton tige de podophylotoxine à 0,5%, sans rinçage,3 jours de suite par semaine pendant un mois. En cas de lésions persistantes et/ou récidivantes, il parait justifié de réaliser une anuscopie à la recherche d'éventuelles localisations intracanalaires nécessitant une électrocoagulation.

L’herpès vulvaire de l'enfant

est peu fréquent; il s'agit le plus souvent d'HSV I. Le zona peut se localiser également dans la région vulvaire.

Les molluscum contagiosum

localisés dans la région périnéofessière de l'enfant peuvent poser un diagnostic différentiel avec des condylomes, des lymphangiectasies isolées.

VI Le lichen scléroatrophique vulvaire

Cette affection est considérée comme "rare" chez l'enfant, mais sa fréquence exacte est difficile à préciser. La physiopathologie en reste imprécise: on connaît des associations à des maladies auto-immunes chez l'adulte; des facteurs génétiques ont également été avancés. Certaines associations à des ambiguïtés sexuelles ont fait suggérer des anomalies enzymatiques portant sur l'activité locale de la 5 alpha réductase. L'âge de diagnostic se situe autour de 7 ans mais il existe un retard important. La découverte de cette affection peut être fortuite ou motivée par des signes fonctionnels (prurit le plus souvent, brûlures mictionnelles, signes urinaires ou anaux); plus rarement des hémorragies vulvaires secondaires au grattage, des fissures; chez l'enfant, il est rare que le diagnostic soit porté lors du bilan d'un lichen scléro-atrophique cutané. Enfin, plusieurs publications font une corrélation entre lichen scléroatrophique de l'enfant et sévices sexuels: des excoriations, des fissures et des hémorragies peuvent être dues au lichen scléroatrophique, et ces différents signes peuvent en imposer pour des sévices sexuels; le lichen scléroatrophique peut se développer sur une zone de traumatisme(équivalent d'un phénomène de Köebner). Ainsi il n'existe aucun argument formel prouvant la responsabilité de violences sexuelles dans la survenue d'un lichen scléroatrophique génital chez l'enfant.

Cliniquement la lésion élémentaire est une papule rose pâle, blanc ivoire, nacrée. Les lésions entrent en coalescence pour former des plaques de taille variable à caractère atrophique réalisant au maximum la classique image en "8" ano-génitale. Il peut exister des fissures, des excoriations, déjà une atrophie et/ou une fusion des petites lèvres, un aspect vitiligoïde; le diagnostic est clinique et la biopsie n'est pas systématique. Si certaines publications font état d'une amélioration spontanée possible, les signes fonctionnels, et surtout le risque de séquelles ultérieures(atrophie clitoridienne, sténose orificielle nécessitant une plastie de l'orifice vulvaire avant les premiers rapports sexuels)) justifient une prise en charge thérapeutique : le traitement repose sur la corticothérapie locale forte (niveau II) associée à une antisepsie locale; la dégression lente des dermocorticoïdes est nécessaire pour éviter les récidives .Une surveillance rigoureuse s'impose au long cours car il existe des risques non négligeables de récidive.

VII Localisation vulvaire des maladies dermatologiques

La dermatite atopique

peut être localisée au niveau vulvaire; elle réalise souvent une dermite non spécifique avec lésions érythémateuses à la face postérieure des cuisses dans la zone de frottement des couches. Le prurit peut entraîner des lésions de lichénification en particulier au niveau des grandes lèvres. Le traitement repose sur l'application d'antiseptiques, d'émollients, et éventuellement d'antimycosiques (la surinfection candidosique est fréquente).Les dermocorticoïdes ne doivent pas être utilisés du fait du risque de granulome glutéal infantile.

L'histiocytose langhéransienne

peut se localiser sur la vulve; l'atteinte est rarement isolée et c'est la coexistence de lésions spécifiques qui oriente le plus souvent vers le diagnostique.

Le psoriasis vulvaire

réalise parfois un aspect de "napkin", parfois une dermatose érythémateuse vernissée très bien limitée. Chez le petit nourrisson, l'existence d'antécédents familiaux, d'une omphalite...permettent d'orienter le diagnostique.

La maladie de Kawasaki

peut s'accompagner de signes cutanés localisés au niveau périnéal, réalisant une lésion érythémateuse, un peu squameuse, assez bien limitée; elle fait partie des signes "mineurs" de la maladie de Kawasaki alors que la fièvre, la polyadénopathie, l'altération de l'état général, le syndrome biologique inflammatoire, sont au premier plan.

Certains nævus verruqueux

peuvent être localisés au niveau vulvaire, plus fréquemment dans le pli crurogénital, réalisant une lésion érythémateuse, squameuse assez bien limitée et persistante; ces lésions peuvent s'intégrer dans le cadre d'un syndrome de Solomon ou d'un CHILD syndrome.

Les maladies bulleuses:

les épidermolyses bulleuses congénitales posent dans cette localisation le problème de macération et de frottement sous les couches; la pose de poche de recueil d'urine est formellement proscrite chez ces patients. Les maladies bulleuses auto-immunes de l'enfant(dermatose à IgA linéaire, pemphigoïde bulleuse) 10 ont été décrites dans cette localisation. Enfin, la survenue de bulles chez un nouveau-né(fille), réparties de façon linéaire, "en jet d'eau", sur la racine des cuisses, touchant éventuellement les grandes lèvres, les membres inférieurs doit faire évoquer une incontinentia pigmenti, sans attendre la phase bulleuse ou cicatricielle.

L'application de caustiques,

accidentelle ou dans le cadre d'un syndrome de Silverman, peut créer des lésions érosives vulvaires. Nous citerons ici les sévices sexuels de l'enfant pouvant entraîner des lésions fissuraires, ecchymotiques ... nécessitant une prise en charge spécialisée.

Les lésions papuleuses

peuvent être des xanthomes, des xanthogranulomes, des nodules scabieux ....

Les localisations vulvaires des maladies systémiques

sont rarement révélatrices et isolées chez l'enfant: nous citerons la maladie de Behcet et la maladie de Crohn dont le diagnostic est difficile au début lorsqu'existe un œdème isolée d'une grande lèvre, avant que n'apparaissent les fissures inguinales en rhagades. Cette affection peut restée vulvaire exclusive longtemps, sans manifestations digestives, et plusieurs biopsies peuvent être nécessaires pour confirmer le diagnostic.

En dehors des localisations vulvaires de toutes les maladies dermatologiques, certaines pathologies sont bien propres à l'enfant et doivent être connues: pathologie malformative, hémangiomes, coalescence des petites lèvres ...Une tuméfaction d'une grande lèvre persistante de l'enfant doit faire évoquer un rhabdomyosarcome. Du fait des rapports anatomiques anovulvaires chez l'enfant, des signes vulvaires peuvent être liés à une pathologie anale (oxyurose, dermatose périanale streptococcique...).La fréquence du lichen scléroatrophique vulvaire de l'enfant reste imprécise, mais un diagnostic précoce permet une prise en charge thérapeutique et une surveillance pour dépister d'éventuelles récidives. Un interrogatoire bien mené, un bon contact avec la famille et l'enfant, et un examen détaillé permettent le plus souvent, sans examen complémentaire de faire le diagnostic et d'assurer une prise en charge thérapeutique adaptée.

Bibliographie

DODAT H, JAMES I, TAKV ORIAN P et al : Les tuméfactions vulvovaginales bénignes de l'enfant. Revue Générale illustrée par une série personnelle de 57 cas. Pédiatrie 1988, 43 : 227-233

DUFLOS-COHADE C, THIBAUD E : Gynécologie pédiatrique. Encycl. Med. Chir. (Paris, France). Pédiatrie 4107 D20, 2 : 1990

HEWITT J, PELISSE M, PANIEL B : In "maladies de la vulve". Medsi/mac Graw Hill

- NIHOUL-FEKETE C, JOSSO N : Intersexualité. Les clés du diagnostic et de la décision du sexe d'élevage dans les premiers jours de la vie. Rev. Prat. 1986, 36 ; 47 : 2771-2779

HAY S D : Pelvic rhabdomyosarcom a in children. Cancer 1980, 45 : 1810-1814

NOGITA T, KAWABATA Y, TSUCHIDA T et al : Clitoral and labial involvement of neurofibromatosis. J. Am. Acad. Dermatol. 1990, 23 : 937-938

CHRETIEN-MARQUET B, de PROST Y, PELLERIN D : Indications chirurgicales précoces dans le traitement des naevus pigmentaires congénitaux géants. Ann. Dermatol. V enereol. 1990, 117 : 149-154

HURWITZ S : Vascular disorders of infancy and childhood. In : "Clinicat Pediatric Dermatology" Sauders Ed. p. 190-215

MULLIKEN J.B, GLOWACKI J. : Hemangiomas and vascular malformations in infants and children. Plast. Preconstr. Surg. 1982, 69 : 412-420

LELAND ALBRIGHT A, CARLTON GARTNER J, WIENER EJ : Lumbar cutaneous hemangiomas as indicators of tethered spinal Gords. Pediatrics 1989, 83 : 977-980

ROSENFELD W.D, CLARK J : Vulvovaginitis and cervictis. Ped. Clin. North. America. 1989, 36 : 489-511

KRUGMAN R.D, BAYS LA, CHADWICK D.L et all : Guidelines for the évaluation of sexual abuse of children. Pediatric 1991, 87 : 254-260

LARREGUE M : Dermite du siège chez le nourrisson . Conc. Med. 1975, 6969-6983

LORETTE G, VAILLANT L : Dermite du siège des nourrissons. Ann. Dermatol. Venereol. 1990, 117 : 213-219

TEILLAC-HAMEL D, de PROST Y : Perianal streptococcal dermatitis in children. Eur. J. Dermatol. 1992, 2 : 71-74

OBALEK S, JABLONSKA S, FAURE M, WALCZALK L, ORTH G: Condylomata acuminata in children : Frequent association with human papillomaviruses responsible for cutaneous warts. J. Am. Acad. Dermatol. 1990, 23 : 205-213

PELISSE M, FISCHESSER D, MOYAL M and al : Lichen scléreux vulvaire (LSV) infantile (22 observations). Ann. Dermatol. Venereol. 1984, 11 : 741-742

FRITER B.S, LUCKY A.W : The perineal eruption of Kawasaki syndrome. Arch. Dermatol. 1990, 22 : 762-764

 

haut de page

Les troubles du cycle menstruel de la période pubertaire et la dysménorrhée
C. Duflos-Cohade, E. Thibaud
Unité d'Endocrinologie et Croissance
Hopital des Enfants Malades, Paris

 

Introduction

Les premiers cycles de l'adolescentes se caractérisent par leur longueur irrégulière, la variabilité de la durée et de l'abondance des règles et la fréquence de l'anovulation. L'irrégularité des cycles est maximale la première année, d'une durée variant de 15 jours à plusieurs mois.

Sur le plan biologique, les cycles des premières années post pubertaires se caractérisent par l'absence ou l'insuffisance de progestérone et des taux circulants de LH, testostérone et androstenedione significativement plus élevés chez les filles qui ont des cycles longs que chez celles qui ont des cycles réguliers.

La maturation des ovaires au cours de la puberté se traduit par un accroissement de leur taille du fait de l'augmentation du nombre et de la taille des follicules antraux et du stroma. A l'échographie les ovaires des adolescentes ont les caractéristiques suivantes:

- leur volume est souvent supérieur au volume de l'ovaire adulte (>6cm3)

- leur échostructure est multifolliculaire c'est-à-dire comportant plusieurs follicules de diamètre inférieur ou égal à l0 mm, répartis également au sein de l'ovaire.

Cet aspect est particulièrement fréquent dans l'année suivant les premières règles puis le volume ovarien diminue et l'échostructure devient homogène alors que le cycle devient ovulatoire.

Les anomalies menstruelles sont donc très fréquentes à l'adolescence. Elles sont le plus souvent fonctionnelles et transitoires car survenant pendant la période de maturation de la fonction ovarienne aboutissant à un cycle régulier et ovulatoire. Dans certains cas elles peuvent cependant poser des problèmes de diagnostic étiologique et de prise en charge thérapeutique.

I. Les cycles longs

Ce sont les cycles de durée supérieure à 35 jours.

Etiologie

1. Les insuffisances ovariennes primitives incomplètes sont rarement en cause.

Elles sont soit congénitales (dysgénésie gonadique avec ou sans anomalie du caryotype, insuffisance ovarienne autoimmune, galactosémie congénitale) soit plus souvent acquises (chimiothérapie, irradiation ou chirurgie enlevant une grande partie du tissu ovarien). Le taux circulant de FSH est élevé, le taux d'œstradiol témoigne d'une activité folliculaire résiduelle.

2. L'hyperprolactinémie

Les irrégularités menstruelles précèdent l'aménorrhée dans près de la moitié des cas. La sécrétion de prolactine évolue de façon pulsatile et s'élève rapidement au cours du stress. Il est donc nécessaire de répéter des dosages de prolactine avant de conclure à une hyperprolactinémie.

L'examen tomodensitométrique de la région hypophysaire permet de mettre en évidence un microadénome à prolactine. Sur le plan biologique celui-ci se caractérise par l'absence d'élévation de la prolactine au cours du test au TRH.

D'autres anomalies endocriniennes avec ou sans hyperprolactinémie peuvent être à l'origine de spanioménorrhée (et plus souvent d'aménorrhée). Ce sont les autres tumeurs hypophysaires , le craniopharyngiome, l'hydrocéphalie latente, et les antécédents d'irradiation crânienne.

3. Les hyperandrogénies

Des situations d'hyperandrogénie peuvent se développer en période péripubertaire et se révéler par des troubles des règles.

L'hyperandrogénie fonctionnelle d'origine ovarienne est la cause la plus fréquente.

Les perturbations du cycle sont associées à des signes cliniques d'hyperandrogénie d'intensité variable, acné et hyperséborrhée dans près de la moitié des cas, hirsutisme modéré dans 1/3 des cas. L'étude hormonale retrouve une élévation du taux circulant de LH et/ou de testostérone et/ou d'androsténedione. L'élévation des 3 paramètres peut être dissociée, inconstante, variable d'un examen à l'autre. Les ovaires ont une échostructure multifolliculaire ou polykystique.

Ces situations ne sont pas toujours d'interprétation aisée car les perturbations fonctionnelles et transitoires des premiers cycles de l'adolescence sont proches de celles révélant un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) et aucun élément clinique, biologique ou échographique ne permet de prédire l'évolution avec certitude. Or la prise en charge précoce d'un SOPK est nécessaire du fait de son important retentissement clinique et psychologique.

En pratique ce sont souvent l'évolution dans le temps des paramètres cliniques et biologiques qui permettront le diagnostic.

Les autres causes d'hyperandrogénie sont beaucoup moins fréquentes :

l'hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive, le taux circulant de 170HProgestérone dosé le matin entre 8h et l0h et/ou après un test au synacthène est alors élevé.

4. Dans la majorité des cas les spanioménorrhées de l'adolescente sont isolées, fonctionnelles et transitoires.

Elles peuvent être déclenchées ou aggravées par des situations de stress (examen, voyages, difficultés affectives...) par des troubles du comportement alimentaire ou par la pratique intensive du sport. Il n'y a pas de signe clinique d'hyperandrogénie , le taux circulant de LH et d'androgène est normal, celui d'œstradiol est variable, et celui de progestérone nul ou insuffisant.

Bilan étiologique au cours des cycles longs

Lorsque les premières règles sont établies depuis moins de deux ans et en l'absence de signe clinique anormal aucun examen n'est nécessaire.

Lorsque la spanioménorrhée persiste plus de deux ans après les premières règles ou s'il existe des signes cliniques d'hyperandrogénie, les examens suivants sont nécessaires:

-dosages des taux circulants de FSH, LH, prolactine, testostérone, androstenedione, œstradiol, 170H progestérone

-échographie pelvienne permettant de déterminer le volume ovarien et son échostructure

-l'étude des gonadotrophines au cours d'un test au LHRH peut apporter un argument au diagnostic d'un déficit gonadotrope ou d'un SOPK. Cependant les résultats du test ne sont pas toujours d'interprétation facile et en pratique le contexte clinique et les résultats des dosages biologiques de base sont souvent aussi informatifs.

Traitement

Le traitement des cycles longs repose sur l'utilisation des progestatifs ou des œstroprogestatifs. Ses objectifs sont de corriger les manifestations d'hyperœstrogénie et/ou d'hyperandrogénie accompagnant les cycles longs ou d'en prévenir l'apparition. Les indications du traitement sont fonction de la symptomatologie qui accompagne les cycles longs et des résultats de (exploration hormonale.

1. Hyperandrogénie ovarienne avec manifestations cliniques

Le but du traitement est triple : corriger les signes cliniques d'hyperandrogénie (hirsutisme), réduire le volume ovarien lorsqu'il est très important et fait courir le risque de torsion, procurer un cycle régulier. L'acétate de cyprotérone est indiqué pour ses propriétés antiandrogénique, antigonadotrope et progestative. Son administration séquentielle à la dose de 50 mg par jour 20 jours sur 28 associé à 2 mg d'œstradiol est remarquablement efficace.

2. Hyperandrogénie ovarienne sans manifestation clinique

Lorsque les signes d'hyperandrogénie sont absents et le volume ovarien modérément augmenté on peut utiliser un progestatif pregnane ou norpregnane du 16e au 25e jour du cycle de manière à obtenir un rythme menstruel régulier et prévenir les risques endométriaux d'une exposition prolongée aux estrogènes sans progestérone. Une surveillance clinique, biologique et échographie régulière est alors nécessaire. Si après quelques mois de traitement les manifestations d'hyperandrogénie ovarienne persistent et a fortiori s'accentuent il est nécessaire d'utiliser le traitement par acétate de cyprotérone ou un traitement œstroprogestatif à bonne action antigonadotrope de manière à freiner la sécrétion de LH et normaliser la production d'androgène. S'il existe une surcharge pondérale il faut essayer d'en obtenir la réduction.

Après 18 mois à 2 ans de traitement efficace une fenêtre thérapeutique est nécessaire pour une évaluation clinique et biologique, un certain nombre de ces situations d'hyperandrogénie étant transitoire.

3. Cycles longs sans anomalie clinique ou biologique autre que (insuffisance lutéale)

L'indication du traitement repose sur le désir de l'adolescente "d'avoir des cycles normaux" et sur la notion de la prévention d'un risque de pathologie de l’endomètre liée à l'exposition aux estrogènes. On utilise alors un progestatif du 16e au 25e jour du cycle.

II. Les métrorragies pubertaires

Ce sont des saignements anormaux par leur abondance, leur durée ou leur fréquence. L'étude d'une série personnelle de 105 cas permet de préciser les caractères cliniques de ces métrorragies, leurs causes, leur diagnostic et leur traitement (Tableau).

Clinique

Près de neuf fois sur dix les métrorragies surviennent dans l'année suivant les premières règles.

- Les formes graves à l'origine d'une anémie sévère (hémoglobine < 8 p/100 ml) représentent 17 % des cas de notre série. Elles surviennent au cours des 3 premiers cycles et même dès les premières règles. L'hémorragie menstruelle est abondante, prolongée, indolore sans tendance à (arrêt spontané.

- Les formes moins gaves sont plus fréquentes: cycles courts ou normaux avec règles abondantes ou prolongées. C'est la répétition des saignements qui provoque l'anémie.

2. Etiologie

Les métrorragies pubertaires sont fonctionnelles dans 80% des cas.
Leur cause est l'anovulation. Le saignement menstruel physiologique et contrôlé résulte de l'action successive puis simultanée des estrogènes et de la progestérone puis de leur retrait. L'arrêt du saignement menstruel est le résultat de plusieurs phénomènes synchrones :
desquamation de l'endomètre,
vasoconstriction,
stase vasculaire
et enfin reconstitution de l'endomètre.
Ces phénomènes sont très étroitement dépendants des taux d'œstradiol et de progestérone circulants et de leur rapport d'où l'indication des thérapeutiques hormonales dans le traitement des métrorragies pubertaires.
Les anomalies de l'hémostase

sont en cause dans 13% des cas et dans 7% des cas il existe une cause rénale ou hépatique qui intervient par les anomalies de l'hémostase qu'elles provoquent. Les maladies hémorragiques provoquant des hémorragies menstruelles sont des déficits en facteur de coagulation (facteur V, facteur VII, facteur VIII, facteur Willebrand, Facteur X), des thrombopathies et de thrombopénies. Les affections les plus fréquentes sont la maladie de Willebrand et les thrombopénies idiopathiques. Le risque d'hémorragie apparaît lorsque le taux de plaquettes est inférieur à 20000/mm3. Il est important de souligner que les anomalies graves de l'hémostase sont connues dès l'enfance et que les métrorragies pubertaires doivent être prévenues. Dans notre série ce sont des anomalies frustres de l'hémostase qui ont été révélées par des métrorragies pubertaires dans leur forme modérée.

Les causes organiques sont facilement reconnues par le clinicien.

Ce sont les rares tumeurs cervicovaginales ou tumeurs sécrétantes de l'ovaire, les complications de la grossesse et de la contraception, les infections génitales hautes.

Diagnostic:

Il repose sur

1. La clinique
par l'étude des antécédents et des circonstances de survenue des métrorragies permet de reconnaître une cause organique. Les arguments cliniques faisant rechercher une cause organique sont :
le caractère du saignement : peu abondant, anarchique, non cyclique, non contemporain des premières règles, avec persistance de règles normales,
la présence de douleurs pelviabdominales,
l'existence d'une activité sexuelle, d'une contraception.

L'examen gynécologique et une échographie pelvienne sont alors nécessaires.

2. Une numération globulaire et un bilan d'hémostase

comportant une numération des plaquettes, un temps de saignement, (méthode d'Ivy) un temps de céphaline activée et un temps de Quick.

3. Les dosages hormonaux n'ont pas d'intérêt

pour le diagnostic des métrorragies fonctionnelles. Seul le taux d'œstradiol circulant peut être utile pour guider le traitement hormonal. Souvent bas ( < 50 pg/ml) il peut être normal ou élevé.

4. Les autres explorations sont orientées par les données de la clinique

(dosage de bHCG, prélèvements bactériologiques, biopsie...).

Traitement

1. Traitement des métrorragies fonctionnelles

Il est médical. Son but est d'arrêter le saignement et d'en prévenir les récidives. La conduite du traitement dépend de la gravité du saignement.

1.1. Le traitement d'urgence de l'hémorragie grave

entraînant une anémie aiguë (hémoglobine < 8 g%) nécessite une hospitalisation pour la correction des troubles hémodynamiques.

L'arrêt de l'hémorragie utérine est obtenu par l'administration d'estrogènes conjugués injectables (Prémarin@ ampoules injectables de 20 mg) : une à deux ampoules en IM ou IV à 4 et 10 heures d'intervalle. Simultanément il est nécessaire de prescrire une association œstroprogestative tel le Stédiril® à la dose de 2 comprimés par jour jusqu'à l'arrêt du saignement puis 1 comprimé par jour. Le traitement est poursuivi pendant 20 jours. En dehors de situation d'urgence, le traitement est débuté d'emblée par l'association œstroprogestative par voie orale.

En cas de contre indication aux estrogènes on utilise un progestatif tel Primolutnor® 10 mg/jour, Norluten@ 10 mg/jour ou Androcur@ 50 mg/jour pendant 20 jours. Si l'hémorragie est plus modérée, on utilisera des antifibrinolytiques per os ou si besoin par voie IV (Exacyl® per os 1 g 3 fois par jour ou une ampoule IV suivie de la voie orale). S'ils sont inefficaces, il faut rapidement utiliser une thérapeutique hormonale. Une fois l'accident aigu résolu le traitement hormonal doit être poursuivi pour éviter les récidives.

1.2. Le traitement après l'accident aigu et dans les formes moins graves

Il consiste dans l'administration d'un progestatif du 16e au 25e jour du cycle (par exemple Lutéran@ 10 mg, Surgestone@ 0,500 mg, Lutényl@ 5 mg). Il peut être nécessaire si le taux d'œstradiol est insuffisant ou si les cycles sont très courts d'utiliser une association œstroprogestative du 5e ou 10e jour au 25e jour du cycle. Le relais sera pris dès que possible par le traitement progestatif seul.

Le traitement progestatif est poursuivi pendant au moins un an : une fenêtre thérapeutique permet alors selon la durée des cycles, les dosages hormonaux et éventuellement la courbe de température de préciser si l'anovulation persiste. En l'absence &ovulation dans les deux mois suivant (arrêt du traitement, celui-ci doit être repris et poursuivi aussi longtemps qu'il est nécessaire jusqu'à l'établissement du cycle ovulatoire.

2. Traitement des métrorragies dues à une anomalie de l'hémostase

Le traitement de l'accident aigu est effectué en collaboration avec les hématologistes. Le traitement hormonal par Prémarin et/ou Stédiril est habituellement efficace. Les récidives sont prévenues soit par les traitements indiqués précédemment, soit dans les cas les plus graves par l'établissement d'une aménorrhée thérapeutique. Celle-ci est obtenue par l'administration continue d'un progestatif à dose suffisante ayant une bonne activité lutéomimétique et antigonadotrope. Les formes les plus graves sont le plus souvent connues avant la puberté. Il est alors nécessaire de prévenir l'apparition des premières règles en débutant le traitement progestatif au cours du développement pubertaire. Le Primolutnor à la dose de 10 à 15 mg/jour a permis d'obtenir de bons résultats avec un recul de plusieurs années.

Une surveillance prolongée des adolescentes ayant un accident hémorragique grave du cycle est nécessaire car il existe des risques importants de répétition des métrorragies ou d'une anovulation persistante. Deux ans après l'accident initial le problème persiste dans 60% des cas.

III. Dysménorrhée

Epidémiologie

La dysménorrhée est le symptôme gynécologique le plus fréquent chez les adolescentes et représente le principal motif d'absentéisme scolaire.

En 1981, Klein et al ont enquêté auprès de 2699 filles réglées âgées de 12 à 19 ans. 59% d'entre elles signalent l'existence de douleurs au moment des règles. L'intensité des douleurs menstruelles est variable depuis le simple inconfort jusqu'à la dysménorrhée sévère. Le taux d'absentéisme scolaire est proportionnel à la sévérité de la douleur. Il peut être systématique à chaque cycle ou occasionnel.

Physiopathologie

Depuis les travaux de Pickles en 1965 un rôle prépondérant a été attribué aux prostaglandines dans le déclenchement de la dysménorrhée. Mais il reste des points d'interrogation qui font soupçonner une origine multifactorielle.

Ces différentes prostaglandines sont retrouvées dans les extraits endométriaux. Plus qu'une hyperproduction absolue de prostaglandines, c'est la concentration relative de ces prostaglandines qui semble importante.

L'hypercontractilité du myomètre qui en résulte, l'ischémie endométriale créée par la vasoconstriction artériolaire sont en partie responsables des douleurs. Les prostaglandines agissent également sur les fibres nerveuses sensitives de l'utérus et les sensibilisent aux stimuli nociceptifs engendrés par l'hyperpression intra-utérine. Enfin, le passage dans le sang circulant des métabolites actifs des prostaglandines explique les signes digestifs d'accompagnement.

D'autres facteurs étiopathogéniques ont été évoqués, leur rôle semble intriqué avec celui des prostaglandines:
- facteur cervical;
- facteur endocrinien;
- la vasopressine;
- les nerfs utérins;
- les leucotriènes.

Par le biais des prostaglandines, le mécanisme intime de la dysménorrhée devient donc plus cohérent, il reste encore des points d'interrogation qui font soupçonner une explication multifactorielle.

Clinique

La dysménorrhée de l'adolescente est sauf exception primaire et fonctionnelle. Elle apparaît 6 à 12 mois après la ménarche, parfois plus tard au cours des trois années qui suivent l'installation des premières règles, ce qui correspond pour certains au délai nécessaire à l'établissement des cycles ovulatoires.

Elle est opposée à la dysménorrhée secondaire de la femme adulte où une pathologie organique sous-jacente (endométriose, infection) est le plus souvent responsable des douleurs.

La douleur survient le premier jour des règles ou la veille. Elle est de type spasmodique ou continu et dure environ 24h: son siège est pelvien ou lombaire avec irradiation possible dans les cuisses. Toutes les intensités sont possibles depuis la simple gêne jusqu'à la douleur violente imposant l'alitement. Elle peut être accompagnée d'autres signes fonctionnels essentiellement digestifs tels diarrhée et vomissements mais aussi céphalée, lipothymie. La dysménorrhée existe soit occasionnellement soit constamment à chaque cycle.

Qu'elle soit ou non le motif de la consultation, l'existence d'une dysménorrhée est à rechercher chez toute jeune fille réglée. En effet, les douleurs menstruelles sont souvent dissimulées car perçues comme un phénomène normal ou vécues comme une fatalité. La consultation est l'occasion de démystifier et de dédramatiser la douleur.

L'interrogatoire est fondamental pour préciser les circonstances de survenue de la dysménorrhée afin de ne pas négliger une étiologie infectieuse (appendicite, infection génitale) ou psychologique (mise en pensionnat, changement dans la vie familiale, existence d'une dysménorrhée chez la mère ou les sœurs).

Les facteurs psychologiques ne sont pas une cause déclenchante de la dysménorrhée, mais ils peuvent avoir un rote amplificateur de la douleur. Le retentissement de la douleur sur la vie quotidienne de la jeune fille (absentéisme scolaire, alitement) est un bon paramètre pour mesurer son intensité.

L'examen clinique vise à s'assurer de la normalité de l'appareil génital externe et interne et est l'occasion de rassurer et d'informer la jeune fille. Cet examen gynécologique est toujours souhaitable mais devient indispensable si la dysménorrhée a accompagné les premières règles. Il faut dans ce cas rechercher une malformation génitale s'opposant à l'écoulement du flux menstruel: soit une rétention menstruelle dans un hémi-utérus s'abouchant dans un hémi-vagin borgne, soit une cloison transversale perforée du vagin.

Traitement

1. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens

sont actifs par leur effet inhibiteur sur la synthèse des prostaglandines. Leur efficacité estimée à de 70 à 90% selon les séries atteste du rôle primordial joué par les prostaglandines dans la survenue des douleurs menstruelles.

Les produits et leur posologie

a) les inhibiteurs de 1a cyclooxygénase

*dérivés de l'acide salicylique : l'aspirine est efficace mais elle augmente le flux menstruel en inhibant l'agrégation plaquettaire ce qui en limite son utilisation

*dérivés de l'acide acétique : indométacine 25mg 3 fois/jour, comprimés et suppositoires 25 mg

*dérivés de l'acide propionique: naproxene 500 mg 1 à 2 fois/24h, naproxène sodique 550 1 à 2 fois/jour, ibuprofène 300 à 600mg 2 fois/24h, flubiprofène 100 à 150 2 fois/24h.

*fenamates: acide mefenamique 500 3 fois/24h. Ces derniers ayant en plus de leur pouvoir inhibiteur de synthèse un effet antagoniste sur l'action des prostaglandines secrétées.

b) les inhibiteurs de l'isomérase réductase

La phénylbutazone et ses dérivés ne sont pas utilisés dans le traitement de la dysménorrhée.

Les AINS doivent être prescrits dès l'apparition des douleurs. Les effets secondaires constatés sont mineurs, d'autant que l'utilisation de ces thérapeutiques est brève, sans commune mesure avec les doses utilisées en pratique rhumatologique. Il s'agit essentiellement de troubles gastro-intestinaux: les plus importants semblent provoqués par l'indométacine. Les contre-indications aux AINS doivent être respectées. Ce sont les antécédents d'ulcères gastroduodénaux, les maladies hépatiques ou rénales graves, les maladies allergiques tel l'asthme. L'efficacité de ces traitements a été testée dans de nombreuses études. Les AINS permettent une sédation des douleurs dans 70 à90% des cas. Les meilleurs résultats semblent obtenus avec les fénamates.

2. Analgésiques et antispasmodiques

Les produits tels que le paracétamol ou le phloroglucinol peuvent être préférés si la dysménorrhée est discrète. En association aux AINS leur utilisation permet d'obtenir de meilleurs résultats.

3. La contraception orale

Les œstroprogestatifs diminuent la synthèse de prostaglandines en provoquant une atrophie endométriale, de plus ils sont responsables d'une diminution de la motricité utérine.

Leur usage doit cependant être réservé aux cas où une contraception est nécessaire. L'adjonction d'un AINS au moment des règles peut être envisagé.

L'utilisation de ces différents moyens thérapeutiques doit aboutir à la sédation des douleurs menstruelles. En cas d'échec du traitement ou de réapparition de douleurs violentes après une accalmie passagère de quelques cycles, il faut reconsidérer le diagnostic de dysménorrhée essentielle chez une adolescente.

Dans ces situations peu fréquentes en pratique on peut poser l'indication d'une cœlioscopie à la recherche notamment d'une endométriose.

Tableau. Métrorragies pubertaires. Etude de 105 cas

(Consultation de Gynécologie Pédiatrique - Hôpital des Enfants Malades)

Age des premières règles

12,3 ans

Date de survenue

le année gynécologique

2e-4e année

85 %

15 %

Etiologie

Fonctionnelle

anomalie hémostase

maladie rénale ou hépatique

tumeur tractus génital

79 %

13 %

7 %

1 %

Taux d'hémoglobine au le examen

Hb<8gp100m1

8g<Hb< 11 g p 100 ml

Hb>11gp100m1

17%

23 %

60%

 

REFERENCES

Duflos-Cohade C, Amandruz M, Thibaud e. Pubertal metrorrhagia. Adol Pediatr Gynecol 1996; 9: 16-20

Ibanez L, Potau N, Zampolli M, Prat N, Gussinye M, Saenger P, Vicens-Calvet E, Carrascosa A. Source localization of androgen excess in adolescent girls. J Clin Endocrinol Metab 1994; 79: 1778-84

Venturoli S, Porcu E, Fabbri R, Magrini O, Gammi L, Paradisi R. Longitudinal evaluation of the différent gonadotropin pulsatile patterns in anovulatory cycles of young girls. J Clin Endocrinol Metab 1992; 74: 836-41

Sundell G, Milsom I, Andersch B. Factors influencing the prevalence and severity of dysmenorrhea in young women. Br J Obstet Gynecol 1990; 97: 588-94

Dawood Y. Current concepts in the etiology and treatment of primary dysmenorrhea. Acta Obstet Gynecol Scand suppl 1986; 10,138: 7

Dingfelder JR. Primary dysmenorrhea treatment with prostaglandins inhibitors: a review. Am J Obstet Gynecol 1981; 140: 874-9

Smith R. Primary dysmenorrhea and the adolescent patient. Adolesc Pediatr Gynecol 1988; 1: 23-30

haut de page